[Version française ci-dessous.]
Esse arts + opinions, published by Les éditions Esse, is a bilingual magazine focusing on contemporary art and multidisciplinary practices. The magazine favors critical analyses and essays on current practices, with texts that address art in relation to its context. Submissions for the thematic section (1,500 to 2,000 words) must be sent in DOCX or RTF format to redactionesse.ca by April 1, 2026. Please include a short biographical notice (35 words) as well as your e-mail and mailing address.
Persons wishing to first submit a note of intent (250-500 words) are invited to do so before January 10, 2026. No notes of intent will be read after this date, but it is still possible to submit a final text by the issue deadline (April 1, 2026).
Please consult the editorial policy and the writing protocol before submitting your text: https://esse.ca/en/call-for-papers/
Esse No. 118: Tongues
Deadline: 1 April 2026
Soft, moist, and flexible, tongues are muscles that allow for flavour detection, licking, singing or speech. Tongues also refer to linguistic community systems of vocal and graphic signs which form words, sentences, and meaning. This dual ability to function as both an anatomical gustatory device and a sound-modulating one gives rise to a plethora of tongue-centred idioms, but it also frames the tongue as the last frontier between an inner thought and its outward expression, between self and other.
In more than one way, tongues are the vehicles through which we can relate to alterity, be it temporally or geographically distant. From Sanskrit, to Tamil, to Aramaic, ancient tongues carry the echoes and reverberations of primeval stories and the knowledge and wisdom embedded in them. “When myths arrive into our present,” art historian Salar Mameni writes, “what we sense is the gap between now and then. Time becomes stretched like the tongue that delivers the myth.[1]; While decipherable ancient tongues can connect the living with those who came before us, undeciphered ones become abstracted, symbols-abound. Like art, they carry the paradoxical power to generate experiences beyond language, where meaning arises through visceral sensation.
Equally primordial is the pleasure derived from licking. Orality, desires, and sensuality: tongue-centred works tend to play up sexual pleasures. Diverting from cis-centred penetration-oriented sexual fantasies, tongues are—on a more sensory and haptic level—deeply enmeshed in non-phallic libidinal economies. Licking has a distinct subversive quality for sexual expression, deep-rooted desires and pleasures, which resurfaces in Sapphic art practices, among other genres.
Shrouded in an aura of mystery and sacrality, glossolalia—or “speaking in tongues,” in Pentecostal and charismatic Christian traditions—refers to speech-like syllables whose meaning is known by neither the entranced speaker nor the audience. A highly contested psychological condition, xenoglossy, defines the act of entering trance-like states in which they speak in a foreign language without having previously learnt or studied it. It is this perplexing phenomenon that has influenced visual and performance artists whose xenoglossy allows them to explore the full potential of intuitions and reawaken subconscious knowledge. Reminiscent of Futurist poetry, Claude Gauvreau’s automatist poetry, and asemic writing, entirely made-up or hybridized tongues can allow for the playful deconstruction of languages to fully appreciate the sonorities that go unnoticed in day-to-day speech.
Beyond sacred and playful devices, tongues are also intergenerational memory holders. In colonial contexts, however, tongues have been disrupted to the point of becoming unrecognizable. What happens when two tongues meet and intersect and when, as a result, new tongues emerge? It is often against the backdrop of colonial encounters that indigenous and settler tongues agonistically coalesce. Settler language policies and laws—emerging from political systems entrenched in racial hierarchies—are historically to blame for marginalizing indigenous languages. The philosopher Rada Iveković comments on the shift, following globalization, from local tongues to an oppressive, global, and hegemonic colonial tongue.[2] This has led to a countermovement in which the resurgence and revitalization of indigenous languages, and their incursion into contemporary art, is gaining significant traction.
For this issue, Esse arts + opinions seeks texts that explore the polysemic quality of tongues in contemporary art. We welcome propositions that approach tongues from an anatomical perspective, as a muscle that can modulate many sounds, as a pleasure-giving device, as languages, as sacred sounds, and more. What role do tongues play in art? Which power structures loosen tongues, which tie them up, and how are these structures reflected in contemporary works? How does art engage with language revitalization?
[1] Salar Mameni, “Pazuzu,” in Terracene: A Crude Aesthetics (Durham, NC: Duke University Press, 2023), 137.
[2] Rada Iveković, “Langue coloniale, langue globale, langue locale,” Rue Descartes, no. 58 (November 2007): 26-36.
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Esse arts + opinions, publiée par Les éditions Esse, est une revue bilingue qui s’intéresse principalement à l’art contemporain et aux pratiques multidisciplinaires. La revue privilégie les analyses critiques et les essais sur les pratiques récentes à travers des textes qui abordent l’art en relation avec le contexte dans lequel il s’inscrit. Les textes pour le dossier thématique (de 1 500 à 2 000 mots) doivent être envoyés en format DOCX ou RTF) à redactionesse.ca avant le 1er avril 2026. Veuillez inclure, à même le texte, une courte notice biographique (35 mots) ainsi que votre adresse courriel et postale.
Les personnes qui souhaitent d’abord soumettre un résumé d’intention (250-500 mots) pour le dossier thématique sont invitées à le faire avant le 10 janvier 2026. Aucun résumé d’intention ne sera lu après cette date, mais il est tout de même possible de soumettre un texte final à la date de tombée du dossier (1er avril 2026).
Merci de consulter la politique éditoriale et le protocole de rédaction avant de soumettre votre texte : https://esse.ca/appel-de-textes/
Esse No. 118 : Langues
Date de tombée: 1 avril 2026
Douce, humide et souple, la langue est à la fois un muscle phonatoire et un organe sensoriel qui permettent de percevoir les saveurs, de lécher des choses, de parler et de chanter. La langue peut aussi désigner un système de signes vocaux et graphiques formant des mots et des phrases qui véhiculent un sens – système qui appartient à un groupe social appelé « communauté linguistique ». Ces deux définitions donnent naturellement lieu à une multitude d’expressions idiomatiques, mais elles présentent surtout la langue comme la dernière frontière entre la pensée intérieure et sa manifestation, entre soi et l’autre.
À plus d’un égard, la langue est le moyen par lequel nous entrons en relation avec l’altérité, qu’elle soit temporelle ou géographique. Du sanscrit au tamoul en passant par l’araméen, les langues anciennes portent d’ailleurs en elles l’écho d’histoires anciennes et le savoir et la sagesse que celles-ci renferment. « Quand les mythes parviennent à notre présent, écrit l’historien de l’art Salar Mameni, ce que nous sentons, c’est le fossé entre aujourd’hui et alors. Le temps s’étire telle la langue qui transmet le mythe[1]. » Si les langues anciennes déchiffrables peuvent combler le fossé entre les personnes vivantes et celles qui sont disparues depuis longtemps, les langues indéchiffrables, elles, tombent dans l’abstraction, enfermées qu’elles sont dans des symboles. Tout comme l’art, elles ont la capacité paradoxale de générer des expériences prélinguistiques où le sens, centré sur des sensations viscérales, se passe d’intermédiaire.
Le plaisir que procure l’acte de lécher est tout aussi primordial. Oralité, désir, sensualité… les œuvres ayant pour sujet la langue tendent à mettre l’accent sur le plaisir sexuel. En s’éloignant des fantasmes sexuels cisgenres axés sur la pénétration, la langue est, sur le plan sensoriel, profondément imbriquée dans les économies libidinales non phalliques. Le léchage se prête de manière distinctement subversive à l’expression de la sexualité, des désirs et des plaisirs profondément enfouis, ce qui refait surface dans les pratiques artistiques saphiques, entre autres genres.
Entourée d’une aura de mystère et de sacré, la glossolalie – ou « parler en langues », dans les traditions chrétiennes pentecôtiste et charismatique – est le fait, pour un·e pratiquant·e, d’émettre des sons qui forment une sorte de discours inintelligible. La xénoglossie, trouble psychologique très controversé, désigne un état de transe où l’on se met à parler une langue étrangère sans jamais l’avoir apprise ou étudiée. Ce phénomène insolite pousse plusieurs artistes visuel·les et de la performance à explorer leur potentiel intuitif et à éveiller des connaissances inconscientes. Dans la lignée de la poésie futuriste, de la poésie automatiste du Québécois Claude Gauvreau ou de l’écriture asémique, les langues entièrement inventées ou hybridées permettent la déconstruction ludique de la langue courante et la pleine appréciation de sonorités qui passent inaperçues dans le discours de tous les jours.
Outre sa fonction sacrée ou ludique, la langue est également le support de la mémoire intergénérationnelle. En contexte colonial, toutefois, elle est souvent perturbée au point de devenir méconnaissable. Que se passe-t-il lorsque deux langues se rencontrent et se mélangent pour en faire apparaitre une nouvelle ? C’est souvent dans le cadre de la colonisation que les langues autochtones et allochtones fusionnent de manière conflictuelle. Les politiques et les lois linguistiques des colons, qui découlent d’un système reposant sur une hiérarchie raciale, sont responsables de la marginalisation des langues autochtones. La philosophe Rada Iveković souligne le passage, dans la foulée de la mondialisation, d’une langue locale à l’hégémonie de la langue coloniale oppressive[2]. Ce changement a donné naissance à un contremouvement où la résurgence et la revitalisation des langues autochtones, ainsi que leur incursion dans l’art contemporain, gagnent en popularité.
Pour ce numéro, Esse arts + opinions recherche des textes qui explorent la polysémie de la langue dans l’art contemporain. Nous accueillons les propositions qui parlent de la langue du point de vue anatomique, c’est-à-dire en tant que muscle servant à moduler des sons, mais aussi en tant qu’instrument de plaisir, système de communication ou même voix sacrée ou religieuse. Quel rôle joue la langue en art ? Quelles structures de pouvoir délient les langues ? Lesquelles les font taire ? Comment ces structures se reflètent-elles dans les œuvres contemporaines ? Quel rôle l’art joue-t-il dans la revitalisation des langues ?
Quellennachweis:
CFP: Esse, no. 118: Tongues / Langues. In: ArtHist.net, 08.10.2025. Letzter Zugriff 09.10.2025. <https://arthist.net/archive/50821>.