La sculpture monumentale médiévale à l'épreuve du musée : enjeux, conceptions, réceptions.
Journées d'étude internationales.
Le musée du Louvre, le musée des Augustins de Toulouse, l’Université de Toulouse et le Groupement d’intérêt scientifique « Patrimoines en partage » organisent deux rencontres consacrées aux enjeux de la présentation, dans les salles permanentes des musées, de sculptures provenant d’édifices religieux majoritairement disparus, en direction de publics souvent peu avertis, auxquels il semble nécessaire de fournir quelques clés de compréhension pour une plus juste et plus agréable appréciation des œuvres monumentales médiévales.
Ce questionnement est né de l’expérience du musée des Augustins confronté au fil du temps à diverses présentations de ses collections médiévales, issues pour l’essentiel de trois cloîtres romans disparus. Les réflexions du musée des Augustins ont été nourries par les échanges avec le programme de recherche OCMI (Ontologie du Christianisme Médiéval en Image) de l’INHA, dirigé par Isabelle Marchesin et Mathieu Beaud. Le projet de rénovation du musée actuellement en cours offre l’occasion de partager les interrogations toulousaines. Dans un souci de prise en compte des publics et afin de favoriser une pluridisciplinarité au cœur des questionnements actuels, une large place sera faite aux apports de la muséologie et des sciences de l’information et de la communication.
L’exposition de fragments et d’œuvres détachés de la sculpture monumentale médiévale pose plusieurs problèmes spécifiques. Le premier, qui ne lui est pas propre, est la présentation d’une œuvre hors contexte, dans des conditions de visibilité différentes de celles d’origine (distance, lumière, contexte visuel effaçant les logiques d’ordonnancement spatial et iconique premier, disparition des marqueurs de sacralité, de liturgie, de communauté, etc.). La complexité est d’autant plus grande quand les édifices d’origine des œuvres ont eux-mêmes disparu ou ont été fortement remaniés, ou bien lorsque les fragments conservés sont dispersés, ou issus d’un contexte archéologique ancien, ou encore vendus sur le marché de l’art sans référence précise.
La différenciation entre contextes conservés, altérés ou disparus (liés au vandalisme, au collectionnisme, au marché de l'art, mais aussi aux changements de goût ou au hasard) est très importante pour la compréhension des œuvres, dont les états de conservation résultent d’histoires diverses.
Lorsque des fouilles ont pu être organisées, quel dialogue instaurer entre archéologie et histoire de l’art ? Comment rendre visible et compréhensible aux visiteurs un contexte disparu et la transdisciplinarité ? L’illusion d’une restitution topographique/archéologique est-elle la priorité muséologique et à quelle fin ?
L’altération des œuvres elles-mêmes est porteuse d’une difficulté supplémentaire. Une autre singularité est la présence proportionnellement forte de chapiteaux et de piliers historiés ou décorés, mais aussi de parties de linteaux, tailloirs, socles et autres plaques. Le fragment a-t-il vocation à être perçu comme une œuvre à part ? Quel niveau d’intelligibilité lui donner ?
Par ailleurs, le musée détermine un effet de « loupe » et même de consécration. Combien d’œuvres apparaissent comme des chefs-d’œuvre et sont publiées, empruntées, regardées, reproduites et commentées sans cesse, parce qu’elles sont conservées dans des musées (surtout si eux-mêmes sont célèbres et importants…), quand leurs jumelles restées sur place ne bénéficient pas du même intérêt ni de la même popularité (avec des exceptions, qu’il faudrait analyser) ?
Lorsque plusieurs pièces sont issues d’un même ensemble architectural, comment articuler les fragments exposés et l’édifice d’origine ? Par un récit, des plans, dessins, outils numériques ? Et par là-même, comment maintenir le lien de la pièce unique à l’édifice ? Quels outils de médiation mettre en place, des plus traditionnels aux plus innovants, et pour quels publics ?
Les conditions muséographiques donnent aux publics une proximité et une possibilité de scrutation des œuvres qui n’existaient pas de la même manière à l’origine. Comment tirer parti au mieux de ces nouvelles conditions pour transmettre des connaissances techniques, stylistiques et iconographiques ?
Comment hiérarchiser les réponses à toutes ces questions au sein d’un même lieu d’exposition et ce pour des visiteurs dont les attentes sont diverses en fonction des âges, des catégories socioprofessionnelles, du niveau d’étude ou des appétences ?
Il nous a paru essentiel de nous placer du côté des visiteurs, de leurs expériences de visite, de leurs envies, en intégrant à notre propos les apports des Sciences de l’information et de la communication (SIC), afin d’étudier la réception du discours scientifique et des propositions de médiation au sein des collections médiévales. Et sur ce sujet, que penser du succès d’un Moyen Âge fantasmé, renvoyé par tant de jeux, de films et de séries à succès ? Y a-t-il un enseignement à tirer du médiévalisme dans nos pratiques muséales ?
En effet, comment passer du discours scientifique élaboré en histoire de l’art, dans et hors du musée, à un discours d’exposition et/ou de médiation au musée, à partir de la muséographie et de la scénographie des vestiges monumentaux médiévaux ? Cette transposition médiatique correspond au passage du discours scientifique des spécialistes, publié dans la littérature grise des thèses et des publications plus ou moins confidentielles, au discours de vulgarisation des expositions ou au discours de médiation des dispositifs qui accompagnent les œuvres.
Les Sciences de l’information et de la communication ont montré toute la dynamique des recherches possibles sur les différentes muséologies (Jean Davallon : muséologies d’objet, d’idées ou de point de vue), sur le mouvement de la nouvelle muséologie qui s’intéresse aussi aux publics et aux communautés d’habitants pour construire un discours adapté voire co-construire l’exposition dans des muséographies participatives, immersives, ludiques.
Le tournant communicationnel des musées dans les années 1980 a abouti à la multiplication des expositions temporaires considérées désormais comme de véritables médias (Jean Davallon, Daniel Jacobi), mais aussi à la mise en place d’une panoplie de dispositifs de médiation, plus ou moins innovants, censés faciliter la compréhension des publics (Patrick Fraysse) qui ne sont pas sans conséquence sur les attentes des publics concernant les collections permanentes.
Ces interrogations très actuelles génèrent de nombreux débats et communications, comme dernièrement l’appel à publication de Géraldine Mallet et Sylvain Demarthe pour la revue en ligne exPosition sur le thème « Montrer les collections médiévales ». Notre proposition se veut complémentaire, par l’analyse du cas spécifique des collections de sculpture monumentale médiévale conservées dans des musées également impliqués dans l’inclusion de tous les publics, soucieux de la démocratisation des connaissances et à l’écoute des apports des SIC et de leurs précieux outils d’évaluation.
PROPOSITIONS DE COMMUNICATION.
Les propositions de communication, qui peuvent concerner des approches théoriques comme des études de cas, sont attendues pour le 1er mars à l’adresse sculptureslouvre.fr.
Elles prendront la forme d’un résumé de l’intervention de 3000 signes accompagné d’une biographie du ou des communicants et d’une bibliographie (5 titres maximum). Si vous ne pouviez participer qu’à Paris ou à Toulouse, merci de nous l’indiquer.
La sélection des communications sera établie au début avril. Leur répartition entre Paris et Toulouse sera précisée en fonction des propositions et des disponibilités des intervenants.
Une publication des actes de ces journées d’étude est à l’étude.
ORGANISATION.
- Musée du Louvre (Sophie Jugie, Pierre-Yves Le Pogam, département des Sculptures)
- Musée des Augustins de Toulouse (Charlotte Riou)
- Laboratoire d’Études et de Recherches Appliquées en Sciences Sociales, Université de Toulouse (Patrick Fraysse)
- Groupement d’intérêt scientifique « Patrimoines en partage », réseau de chercheurs en sciences humaines et sociales et de professionnels du patrimoine sous la direction de Sylvie Sagnes, avec le soutien de l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS.
Avec la collaboration de Mathieu Beaud, maître de conférence à l’Université de Lille.
PROGRAMME PREVISIONNEL.
Paris, Musée du Louvre : Du monument au public des musées.
La première étape aura lieu au Centre de recherche Dominique-Vivant Denon du musée du Louvre. Ouverte à tous et gratuite, elle sera dédiée à la problématique générale de l’exposition de ces œuvres et à des études de cas, avec intervention d’historiens de l’art, de responsables de collections et de médiateurs des musées.
- Restitution des contextes d’origine : utilité, enjeux, moyens ?
- Place et fonction des indications chronologiques et/ou périodiques ?
- Comment prendre en compte les contraintes techniques et administratives des lieux d’exposition et l’histoire des établissements ?
- Unicité de l’œuvre exposée : une force ou une limite ?
- Matériaux et techniques : pour approcher la culture des artisans médiévaux
- Élaborer des réseaux d’œuvres disparates : la possibilité typologique (structures et styles) et la possibilité iconographique
- L’apparat critique : place et format des textes et images autour des œuvres
- Contextualiser, expliciter, interpréter… jusqu’où ?
- Peut-on faire une archéologie de l’émotion ou en d’autres termes, peut-on viser la restitution d’un ressenti médiéval ?
Une visite sera proposée dans un musée parisien.
Toulouse : Contenus scientifiques – médiation - évaluation : la transposition des discours.
La seconde partie, organisée à Toulouse, sera plus spécifiquement consacrée aux niveaux de contenus informatifs et aux publics, dans le cadre de témoignages croisés. Les points de vue exposés à Paris seront passés au crible des Sciences de l’information et de la communication. Un certain nombre d’enquêtes, effectuées sur le terrain dans les salles des musées, permettent en effet de valider certains dispositifs plébiscités par les visiteurs.
- Capter et guider le regard : comment donner à voir l’ensemble et le particulier ?
- Comment impliquer le visiteur en le rendant acteur de sa perception ?
- Quelle place octroyer au style et à l’iconographie ?
- Quels dispositifs de médiation pour quelles attentes des publics ?
- Quelle fonction structurante accorder à la chronologie, la périodisation, et comment la construire ?
- Quelle articulation entre discours scientifique et médiation ?
- Quels outils pour une démocratisation du savoir scientifique en histoire de l’art ?
- Évaluation des expériences de visite ? Données qualitatives.
- Comment aborder au musée le fait religieux, les sources chrétiennes et le rôle de ces œuvres dans des édifices à vocation cultuelle ?
Une visite des collections du musée des Augustins sera proposée (en fonction des travaux de réaménagement du musée).
INFORMATIONS PRATIQUES.
Paris, Musée du Louvre, Centre Dominique-Vivant Denon, 30 juin-1er juillet 2025.
Toulouse, Université de Toulouse, IUT Paul Sabatier, 2-3 octobre 2025.
Envoi des propositions de communication : jusqu'au 1er mars à l’adresse sculptureslouvre.fr.
Quellennachweis:
CFP: La sculpture monumentale médiévale (Paris/ Toulouse, 30 Jun-1 Jul/ 2-3 Oct 25). In: ArtHist.net, 31.01.2025. Letzter Zugriff 01.02.2025. <https://arthist.net/archive/43835>.