L’écologie sonore ne peut se passer d’une réflexion sur l’eau, en particulier du fait des conséquences vécues du changement climatique dont le son s’avère être un témoin privilégié. L’appel à communications est ouvert à des propositions venant de diverses disciplines universitaires (notamment la musicologie, la philosophie, la géographie, la bioacoustique, l’histoire de l’art contemporain) mais aussi d’artistes, de paysagistes, d’audio-naturalistes, de preneurs de son. Une approche scientifique et/ou artistique des changements climatiques liés à l’eau dans les Hauts-de-France sera particulièrement bienvenue. Croiser théorie et pratique n’est pas nécessairement attendu dans les propositions qui seront soumises. En revanche, les organisateurs s’efforceront de faire s’interpénétrer l’une et l’autre lors des journées du colloque, afin que de perspectives nouvelles puissent s’ouvrir. Les propositions peuvent porter aussi bien sur des conférences théoriques que sur des objets plastiques et sonores, destinés à être présentés dans l’espace d’exposition du colloque. Cet appel à communications est donc aussi un appel à œuvres et à sons (qui pourront le cas échéant faire l’objet d’une rémunération).
La participation au colloque permet la prise en charge de l’hébergement et des repas qui ont lieu pendant le colloque (déjeuners). Concernant le transport, une participation des laboratoires pourra être demandée.
Il est envisagé que le colloque soit suivi d’une publication dans le cadre de la collection « Esthétique et sciences des arts » des Presses Universitaires du Septentrion.
Les propositions seront à envoyer conjointement à Alexandre Chèvremont alexandre.chevremontuniv-lille.fr et à João Fernandes joao.fernandesuniv-lille.fr avant le 15 janvier 2026 (un résumé de 2500 signes au maximum, assorti d’une brève biobibliographie). Les réponses seront communiquées au plus tard le 1er mars 2026.
Comité organisateur (Université de Lille, CEAC) : Alexandre Chèvremont, João Fernandes, Carlijn Juste, Mélia Roger
Argumentaire
« La liquidité est, d’après nous, le désir même du langage » (Gaston Bachelard, L’Eau et les rêves, p. 210) ; n’est-il pas aussi celui de la musique ? Si la musique a pour élément le non-identique qu’est le son comme Adorno a pu le formuler à plusieurs reprises, fluent comme le temps et comme l’eau, alors la rivière mélodique, le « ruisseau » (Bach en allemand) des notes révèle quelque chose d’un imaginaire sonore qui est aussi aquatique. Encore y a-t-il des eaux qui dorment, des silences marécageux. Il faudrait décrire aussi ces sons qui imitent l’immobilité, puisque « la plus grande merveille d’un art qui n’agit que par le mouvement, est d’en pouvoir former jusqu’à l’image du repos » (Jean-Jacques Rousseau, Dictionnaire de musique, p. 250).
La parenté de la musique en particulier, et des arts sonores en général, avec une forme de fluidité aquatique, appelle néanmoins plusieurs remarques. D’abord, l’eau connaît de nombreux états dont la liquidité n’est qu’un des aspects, et le colloque ne négligera pas non plus l’étude du son des glaciers, du silence ouaté de la neige ou du spectacle apparemment lointain et aphone des nuages. Ensuite, la problématique écologique vient aujourd’hui fortement interférer dans les arts sonores (l’écologie sonore/acoustique) comme dans la question de l’eau (sécheresse/inondation, changement climatique induisant un changement du tracé des côtes, fonte des glaciers, réduction de la biodiversité en milieu marin, etc.). La sensibilisation à ces questions écologiques autour de l’eau doit de toute évidence ne pas se limiter à la sphère visuelle, et concerner notamment l’ouïe. La prise en compte de l’équipement technique nécessaire à cette sensibilisation (hydrophones, …) et de son évolution sera un des aspects à étudier. Au-delà d’un discours purement scientifique sur les questions d’eau et d’écologie, le colloque aura à cœur de cibler la présentation artistique et sonore de ces questions, face à un public qu’il s’agit de rendre davantage réceptif ; tout en s’efforçant d’apprécier la teneur esthétique autonome d’une telle présentation.
Enfin, les arts sonores ne se limitent pas au son, et la présence sonore de l’eau au cinéma aura également vocation à être étudiée, pourvu que la bande-son soit l’objet principal de l’étude.
Plusieurs pistes, à titre indicatif, peuvent être proposées dans cet appel, sans exclusive ni obligation :
• La présence de l’eau dans la musique savante, avec quelques figures fortement présentes dans l’imaginaire mythologique de l’opéra notamment (les filles du Rhin, l’ondine, la rusalka) mais aussi dans la musique instrumentale (les jeux d’eau chez Ravel ou Liszt, les préludes de Debussy…)
• La diversité des sons exploitables liés à l’eau (la goutte d’eau, le murmure des vagues, l’écoulement du ruisseau, le mugissement de la tempête, la pluie battante, la débâcle, l’effondrement du glacier) et aux êtres vivants qui y habitent : géophonie, mais aussi biophonie. En outre, toute l’anthropophonie et la technophonie des activités humaines liées à l’eau, y compris dans une dimension ethnologique.
• La possibilité d’une écoute subaquatique (Michel Redolfi) ou intra-utérine (Alfred Tomatis et l’accouchement sonique).
• L’étude des instruments de musique utilisant l’eau pour produire le son.
• La possibilité d’une promenade écoutante (soundwalk / listening walk) technologiquement assistée ou non.
• La prise en compte d’autres arts que la musique pour l’étude de la relation entre le son et l’eau : le cinéma bien sûr, mais aussi le théâtre et la danse, la dimension architecturale. La présence visuelle ou acousmatique de l’eau qui produit un son.
• Les croisements entre arts et sciences tout particulièrement pour ce qui est de la dimension acoustique et sensible que peuvent apporter les pratiques artistiques et sonores aux résultats de recherche liés au changement climatique et au vécu de celui-ci.
• La prise en compte du point de vue non humain dans cette relation entre le son et l’eau (hypothèse perspectiviste).
Éléments bibliographiques
- Anzieu, Didier, « L’enveloppe sonore du soi », paru dans Narcisses, Nouvelle revue de psychanalyse, n° 13 (1976).
- Bachelard, Gaston, L’Eau et les rêves, Essai sur l’imagination de la matière, Paris, José Corti, 1942.
- Chion, Michel, Le Promeneur écoutant : essais d'acoulogie, Paris, Plume, 1993.
- Cléro, Jean-Pierre, « Bachelard et Jankélévich, philosophes de l’eau. Quelques fragments de philosophie de l’imaginaire », Études bachelardiennes (2), 2023, p. 137-157.
- Dudon, Jacques, La Musique de l’eau, Paris, Alternatives, 1982.
- Ihde, Don, Listening and Voice : Phenomenologies of Sound, deuxième édition, Albany, State University of New York Press, 2007.
- Kiefer, Peter, et Zwenzner, Michael, éd., Exhibiting Sound Art, Hofheim, Wolke Verlag, 2022.
- Redolfi,. Michel, « Écouter sous l'eau », Alliage : Culture - Science - Technique, 1991, 10, p. 47-54.
- Rendu Loisel, Anne-Caroline, Les Chants du monde : le paysage sonore de l'ancienne Mésopotamie, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2020.
- Rogers, Holly, Sounding the Gallery : Video and the Rise of Art-Music, édition illustrée, Oxford University Press, 2013.
- Rousseau, Jean-Jacques, Dictionnaire de musique, Arles, Actes sud, 2007.
- Sloterdijk, Peter, Sphères I, II et III, Paris, Pauvert, Hachette, Liberra-Maren Sell, 2002, 2006, 2010.
- Solomos, Makis, De la musique au son, l’émergence du son dans la musique des XXe et XXIe siècles, Rennes, PUR, 2013.
- Tomatis, Alfred, L’Oreille et le langage, Paris, Seuil, 1963.
Quellennachweis:
CFP: Le son et l’eau : pour une écologie hydroacoustique (Lille, 13-15 oct 26). In: ArtHist.net, 29.10.2025. Letzter Zugriff 30.10.2025. <https://arthist.net/archive/51017>.