[English version below.]
À l’occasion de l’exposition sur Michel-Ange et Rodin, qui se tiendra au musée du Louvre du 15 avril au 20 juillet 2026, le musée du Louvre et le musée Rodin s’associent pour organiser le colloque « Mythe du sculpteur – Sculpteurs mythiques », sous la direction des deux commissaires Chloé Ariot et Marc Bormand. Cet appel à communication est ouvert à l’ensemble de la communauté scientifique, patrimoniale comme universitaire, jeune ou confirmée.
Michelangelo Buonarroti, dit Michel-Ange (1475-1564) et Auguste Rodin (1840-1917) occupent une place à part ou, plus justement, centrale dans l’histoire de la sculpture occidentale. Ils apparaissent comme deux génies, deux géants qui en viennent à incarner la figure du sculpteur, chacun à leur époque de manière écrasante, dans un écho qui s’est prolongé, voire amplifié, jusqu’à nos jours.
La renommée artistique est aujourd’hui chose bien étudiée, notamment depuis l’ouvrage devenu fondateur d’Ernst Kris et Otto Kurz, La légende de l’artiste (1934), qui analyse la construction des mythes d’artistes, passant de l’image du demi-fou autodidacte à celle du demi-dieu au talent inné. La Renaissance et l’âge classique, à partir des Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, publiées à Florence en 1550/1568 par Giorgio Vasari, ont lancé la mode des biographies d’artistes, combinant faits réels et imaginaires, sur le modèle des légendes de saints. À partir du XIXe siècle s’est installée avec le Romantisme, puis fermement établie, la figure du génie solitaire, en marge et incompris, mais visionnaire car inspiré. À une époque comme à l’autre, les artistes apparaissent ainsi dotés d’un ingenium divin. Michel-Ange n’est-il pas qualifié de « divino » de son vivant ? Et Rodin précisément assimilé par ses contempteurs, sur le mode de la dérision, à la figure de Dieu le père ?
Il ne s’agira pas ici de s’arrêter à constater la dimension mythique de ces deux artistes. La construction du mythe michelangelesque de son vivant n’est plus à démontrer : elle a récemment été finement analysée et synthétisée par Guillaume Cassegrain dans son ouvrage Michel-Ange, origines d’une renommée (Paris, Hazan, 2019). En miroir au mythe michelangelesque, la mise en place du mythe rodinien a quant à lui fait l’objet d’une brillante démonstration par Sara Vitacca, dans sa thèse consacrée aux Michelangélismes. La réception de Michel-Ange entre mythe, image et création (1875-1914) (Dijon, Presses du réel, 2023).
Les dimensions mythiques de Michel-Ange et de Rodin posent en réalité une autre question. Ces deux artistes, dont l’un a pourtant été aussi peintre, architecte et poète renommé, et l’autre dessinateur reconnu, se sont progressivement imposés dans l’imaginaire collectif comme deux incarnations du sculpteur, au détriment de leurs autres talents. La puissance de leur œuvre sculpté suffit-elle à expliquer ce raccourci ? Ou la figure du sculpteur recèle-t-elle une force particulière qui suscite le mythe ? En somme, existe-t-il un mythe particulier du sculpteur ?
De nombreuses pistes sont à explorer :
- Les mythes des origines : dans la Genèse, Dieu crée Adam et Ève par modelage. La sculpture serait-elle l’art originel ? Comment comprendre le mythe de Pygmalion ? Quelle est la part de la sculpture dans la construction des arts dits « primitifs » comme catégorie intellectuelle au début du XXe siècle ?
- La figure du démiurge : découlant de ce premier aspect, pourquoi la figure du sculpteur est-elle tout particulièrement démiurgique ? Est-ce une création de la Renaissance en lien avec la querelle du paragone ? Ou une conséquence des réalités de la création et de la confrontation aux matériaux ?
- La place des membres de l’atelier : la matérialité même de la sculpture nécessite souvent la collaboration d’un ensemble d’acteurs autour de l’artiste. Que faire de l’inévitable atelier du sculpteur et de la dimension collective de la création sculptée face au mythe de l’artiste démiurgique ? Quelle(s) posture(s) adoptent les sculpteurs face à cet encombrant environnement ?
- La construction ou l’auto-construction du mythe : le rôle et la définition du sculpteur changent d’une période à l’autre, mais la figure du sculpteur peut sembler, vue d’aujourd’hui, un invariant. Les Académies fondées à partir de la période moderne ont-elles joué un rôle dans cette construction ? Quels sont les topoï dans les écrits, les hommages, ou les monuments mythifiant les sculpteurs ? Dans la posture des sculpteurs cherchant à édifier leurs propres mythes ? En quoi les œuvres elles-mêmes jouent-elles un rôle dans la mise en place et la diffusion du mythe ?
- Le piège du mythe : les grands noms de sculpteurs sont bien moins nombreux que ceux des grands peintres ou des grands architectes. Comment comprendre cela ? L’accès au statut de mythe est-il différent et plus rare pour un sculpteur ? Comment se définir comme sculpteur face aux sculpteurs mythiques du passé ? Comment être ou devenir sculptrice face au mythe du sculpteur ? Est-ce que le mythe du sculpteur s’accorde avec la réalité de l’art de la sculpture ? Que peut devenir ce mythe dans l’art contemporain ?
Ces pistes de réflexion ne sont pas exhaustives. Les communications pourront porter sur des sculpteurs et sculptrices en particulier ou sur une période ou aire culturelle donnée, de l’Antiquité à nos jours, ou encore mettre en perspective une notion ou un concept de manière diachronique.
Propositions
Colloque à Paris, au musée du Louvre le 16 juin et au musée Rodin le 17 juin 2026.
Les propositions de participation devront comprendre un titre, un résumé (entre 1500 et 2000 signes) et une brève notice biographique (entre 500 et 1000 signes). 
Elles seront à envoyer, en français ou anglais, au plus tard le 15 décembre 2025 à colloquesmusee-rodin.fr 
Les communications sélectionnées devront durer 25 minutes et donneront lieu à un temps d’échange avec le public.
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[English version.]
The Myth of the Sculptor, or Mythical Sculptors.
On the occasion of the Louvre’s upcoming exhibition on Michelangelo and Rodin, the Musée du Louvre, in partnership with the Musée Rodin, is organising a symposium entitled ‘The Myth of the Sculptor, or Mythical Sculptors’, under the direction of exhibition curators Chloé Ariot and Marc Bormand. This call for papers is open to all specialists and researchers, whether in the cultural heritage sector or the education sector, whether starting their careers or already established.
Michelangelo Buonarroti, known as Michelangelo (1475–1564) and Auguste Rodin (1840–1917) occupy essential – or rather, central – places in the history of Western sculpture. They are both known as geniuses, two towering artists who came to embody the figure of the sculptor, each in his own time and without question, leaving an echo that has since continued and grown louder.
Artistic renown is well studied today, especially since the Ernst Kris and Otto Kurz’s foundational 1934 work, The Legend of the Artist, analysing how the myth of the artist is built, from half-mads autodidact to the demigods of innate talent. Artist biographies became fashionable in the Renaissance, inspired by classical antiquity, and in particular by Giorgio Vasari’s Lives of the Most Excellent Painters, Sculptors and Architects, published in 1550 and again in 1568, which combined the real and the imaginary, based on the legends of the saints. With the rise of Romanticism in the 19th century came the soon well-established figure of the solitary genius, marginalised and misunderstood but with visionary inspiration. Thus, artists across the ages have been depicted as endowed with divine genius. Michelangelo, after all, was known as Il Divino (‘the divine one’) by his contemporaries. Rodin’s detractors often derisively compared him to God the Father.
But we shall not limit ourselves to simple observations of these two artists’ mythical status. The construction of the myth of Michelangelo in the artist’s lifetime is no longer in dispute, having been keenly traced and analysed by Guillaume Cassegrain in his recent work Michel-Ange, origines d’une renommée (Paris, Hazan, 2019). Mirroring the myth of Michelangelo is the creation of the myth of Rodin, brilliantly demonstrated by Sara Vitacca in her thesis on ‘Michelangelisms’: A Myth in Action: the Reception of Michelangelo Between 1875 and 1914 (Dijon, Presses du Réel, 2023; in French).
The mythical dimensions of Michelangelo and Rodin raise in fact another question. These two sculptors – one of whom was also a renowned painter, architect and poet, and the other a famed draughtsman – have been gradually identified in the collective imagination as two incarnations of the sculptor, to the detriment of their other talents. Is the power of their sculpted works alone enough to explain this oversimplification? Or does the figure of the sculptor conceal some particular myth-generating force? In short, is there a distinctive ‘myth of the sculptor’?
There are a number of leads to be explored:
- In the Genesis myth, for example, God creates Adam and Eve out of clay. Is sculpture then the original art form? How best to understand the myth of Pygmalion? What is the role of sculpture in the creation of the intellectual category of ‘primitive’ arts in the early 20th century?
- The figure of the demiurge: why is the figure of the sculptor so particularly demiurgic? Is there a link between Renaissance art and the paragone dispute, or was it a consequence of the realities of creation and material limitations?
- The role of collaborators in the sculptor’s workshop: the sheer materiality of sculpture requires a team of others working with the artist. How then should we relate the sculptor’s workshop and the collective dimension of sculptural creation to the myth of the demiurgic artist? What position(s) do sculptures take on in relation to this complex environment?
- (Self-)mythmaking: the role and definition of the sculptor change from one era to the next, but seen from today’s perspective, the figure of the sculptor can seem unchanging. Did the various academies established in the early modern period play a role in this construction? What topoi are found in the writings, tributes and monuments contributing to the mythification of the sculptor? In the positions sculptors themselves adopt in seeking to edify their own myths? What role do the artworks themselves play in spreading myths?
- The myth trap: there are far fewer great sculptors than there are great painters or architects. How to understand this? Is access to mythical status different or more rare for sculptors? How to define oneself as a sculptor in relation to the mythical sculptors of the past? How to be – or become – a female sculptor in relation the mythical male sculptor? Is the myth of the sculptor compatible with the reality of the art of sculpture? What happens to this myth in contemporary art?
These prompts are far from exhaustive. Submissions may focus on a particular sculptor, on a specific time period or cultural area, from antiquity to modern times, or take a diachronic approach to an idea or concept.
Proposals
Proposals should include a title, an abstract (1500–2000 characters) and a short profile of the author (500–1000 characters). 
Proposal must be received no later than 15 December 2025 at colloquesmusee-rodin.fr
Selected proposals will have 25 minutes’ presentation time, followed by time for a Q&A with the audience.
Comité scientifique et organisation / Scientific and organisational committee
Musée Rodin
Amélie Simier, conservatrice générale du patrimoine, directrice du musée Rodin 
Chloé Ariot, conservatrice du patrimoine, chargée de la collection des sculptures au musée Rodin, commissaire de l’exposition
Véronique Mattiussi, cheffe du service de la Recherche, musée Rodin
Franck Joubin, documentaliste chargé des colloques, musée Rodin 
Musée du Louvre
Marc Bormand, conservateur général du patrimoine, sculptures italiennes du Moyen Âge et de la Renaissance, musée du Louvre, commissaire de l’exposition
Julie Botte, coordinatrice de projets, Direction des études muséales et de l’appui à la recherche, service de l’appui à la recherche, musée du Louvre
Philippe Cordez, adjoint à la Direction des études muséales et de l'appui à la recherche, chef du service de l’appui à la recherche, musée du Louvre
Reference:
CFP: Mythe du sculpteur - Sculpteurs mythiques (Paris, 16-17 jun 26). In: ArtHist.net, Oct 31, 2025 (accessed Nov 4, 2025), <https://arthist.net/archive/51024>.