Regards sur l’Expanded Cinema : art, film et vidéo /
(Re)viewing Expanded Cinema : art, film, and video
Symposium international
Organisé par l’Institut national d’histoire de l’art (INHA),
l’Université Paris-Sorbonne, Paris IV, et le Centre Chastel
Institut national d’histoire de l’art (INHA), Paris
27 et 28 juin 2013
La dernière décennie a vu une résurgence d’intérêt pour l’Expanded
Cinema, un ensemble de pratiques expérimentales dans les domaines du
film, de la vidéo et des nouveaux médias qui s’est développé au cours
des années 1960 et 1970, d’abord aux États-Unis, puis à l’échelle
internationale. En attestent des expositions et des publications
telles X-Screen (2003), Future Cinema : The Cinematic Imagery After
Film (2003), The Expanded Eye (2006), Expanded Cinema (2011), et la
reconstitution du Movie-Drome de Stan VanDerBeek au New Museum de New
York (2012). Ces manifestations témoignent de l’ouverture croissante
de la discipline de l’histoire de l’art aux champs cinématographiques
et vidéographiques ainsi qu’à celui des nouvelles technologies, ceci
en résonance avec le déploiement des pratiques artistiques
contemporaines.
Jusqu’à présent l’attention s’est en grande partie portée sur la façon
dont le cinéma élargi, rompant avec le paradigme moderniste, a su
interroger l’espace de l’œuvre ainsi que la notion de médium
artistique. S’émancipant du modèle encore théâtral de la présentation
cinématographique classique (une projection sur un écran unique devant
un public immobile), l’Expanded Cinema cherche à investir l’espace de
manière nouvelle, créant souvent des environnements immersifs. L’image
peut ainsi faire l’objet d’une véritable « installation ». De même, la
question de l’Expanded Cinema est-elle indissociable de celle de l’«
intermedia ». Qu’ils mêlent film, vidéo, son, performance, et/ou se
servent en pionniers des outils informatiques de traitement de
l’image, les praticiens du cinéma élargi fondent leur démarche sur
l’hybridation des médiums. Aussi, l’Expanded Cinema a-t-il bouleversé
la conception même du film envisagé en tant que médium spécifique. Des
historiens et théoriciens du cinéma et des nouveaux médias ont apporté
des éléments d’analyse à cette question (Shaw et Weibel, 2003 ;
Dubois, Monvoisin et Biserna, 2010).
Or, si ces innovations ont eu un impact incontestable sur le plan de
l’histoire des formes et des catégories artistiques, il est important
de souligner qu’elles s’ancrent dans des préoccupations d’ordre
psychique, mental et perceptif. Pour Gene Youngblood, un de ses
premiers théoriciens, le cinéma élargi est synonyme de conscience
élargie (Youngblood, 1970). De manière comparable, l’historien du
cinéma P. Adams Sitney regroupe les grandes tendances du cinéma
d’avant-garde américain — dont certains représentants tels Jordan
Belson et les frères Whitney sont des acteurs clefs de l’histoire du
cinéma élargi — sous l’épithète de « visionnaire » (Sitney, 1974). Ces
notions problématiques n’ont pas encore donné lieu à une étude
systématique. Elles sont pourtant au cœur de la démarche des artistes
de l’Expanded Cinema.
Faisant suite au colloque international « Film, vidéo, télévision :
autour du cinéma de Nam June Paik » organisé par l’INHA et le CRA en
juin 2012, ce symposium international propose de revenir sur les
dimensions psychique, mentale et perceptive du cinéma élargi, et sur
la question des interactions plurielles entre art, cinéma et vidéo en
résultant. Par delà le cliché du psychédélisme, il s’agit d’interroger
l’ambition des artistes et théoriciens de l’Expanded Cinema de rompre
avec le modèle de la représentation pour faire de l’image une
manifestation immédiate de la pensée et de l’esprit provoquant chez le
spectateur des états de conscience et servant de support pour
effectuer une transformation de la perception. L’idéal d’émancipation
de l’esprit qui porte ces démarches invite conjointement à se pencher
sur les aspects politiques de l’Expanded Cinema. Loin de se cantonner
à des expérimentations plastiques, le cinéma élargi comporte une
dimension activiste qui en fait un chapitre important de l’histoire de
la contre-culture des années 1960/1970.
Pour traiter ces questions, plusieurs axes de recherche sont à
envisager.
Vision et visionnaire
Il s’agira de réfléchir à la visualité dans l’Expanded Cinema en même
temps que de s’interroger sur la notion d’art visionnaire. Comment
envisager les rapports entre, d’une part, l’aspiration à un «
élargissement » ou une « émancipation » de l’œil (Mekas, 1964) et,
d’autre part, le régime de l’opticalité associé au modernisme ? En
quoi l’Expanded Cinema a-t-il pu à la fois exalter le regard et
contribuer à la remise en cause de la primauté de la vision dans
l’expérience artistique ? De la même manière, il convient de se
pencher sur la problématique de l’hallucination dans l’Expanded
Cinema. Si les multi-projections et les stratégies d’agressions
visuelles déployés par le cinéma élargi peuvent avoir un aspect
hallucinatoire, il faut rappeler que cette dimension est contredite
par la volonté concomitante d’éveiller les consciences (Sutton, 2003).
Une question connexe est celle de la relation entre l’Expanded Cinema
et le spectaculaire conçu comme une caractéristique de la modernité
(Crary, 1990). On se demandera également comment l’Expanded Cinema
s’inscrit dans les préoccupations scientifiques de l’époque pour la
psychologie de la perception.
« Art, science et métaphysique »
Pour Youngblood, l’Expanded Cinema est le reflet d’une nouvelle ère
culturelle dans laquelle, après une longue séparation, les domaines
artistique, scientifique et métaphysique sont à nouveau en train de
converger. En quoi l’Expanded Cinema peut-il être considéré comme un
moment dans l’histoire du dialogue entre l’art et la science qui
annoncerait une « troisième culture » (Snow, 1963) ? L’Expanded Cinema
participe-t-il d’une nouvelle perception de la réalité ? À la suite
des travaux de William Kaizen (Kaizen, 2008), on cherchera aussi à
déterminer en quoi l’élargissement mental prôné par l’Expanded Cinema
et la notion de « conscience cosmique » afférente se sont faits le
reflet de réflexions théoriques et scientifiques sur les notions même
d’esprit et de conscience (cf. Bateson, Teilhard de Chardin, McLuhan,
Fuller, etc.).
Activisme, matérialisme et utopisme
Il s’agira d’étudier les aspects politiques de l’Expanded Cinema et de
ses dérivés incarnés, par exemple, dans des projets de
contre-télévision menés par des associations telles la Raindance
Corporation ou les Videofreex. On s’intéressera également à la
relation entre les approches « structurales-matérialistes » de
l’Expanded Cinema (Gidal, 1976) et le « techno-mysticisme » (Turner,
2006) caractéristique de tout un pan américain du cinéma élargi. Ces
deux voies sont posées comme antinomiques. Toutes deux cependant
prônent à leur manière une idée du cinéma entendu comme une opération
de révélation de la conscience et sont porteuses en ce sens d’un
certain activisme, voire d’un utopisme qu’il convient d’interroger.
Enfin, on envisagera les résonances que ces démarches peuvent trouver
dans l’art actuel des nouveaux médias. Que peut nous apprendre
l’Expanded Cinema pour aborder un nouveau chapitre de l’histoire de
l’art dans lequel les aspects perceptifs et cognitifs de l’expérience
du spectateur occupent une place centrale ?
Reflétant la diversité des problématiques soulevées, ce symposium
s’inscrit dans une démarche transdisciplinaire. Semblablement, on
s’attachera à ce que le champ couvert soit international.
Une attention particulière sera portée aux études permettant de situer
les travaux des praticiens de l’Expanded Cinema dans leur contexte
historique, à savoir leur inscription dans les champs de l’histoire de
l’art et de l’histoire culturelle. On s’intéressera notamment à
examiner les sources artistiques, scientifiques, littéraires et
philosophiques qui ont nourri les praticiens de l’Expanded Cinema dans
sa phase historique des années 1960/1970. En même temps, on
s’interrogera sur la signification que revêt actuellement le terme de
cinéma élargi : que reste-t-il aujourd’hui de la dimension visionnaire
de l’Expanded Cinema dans l’art contemporain ?
Les propositions d’une longueur de 1500 signes, accompagnées d’une
courte bio-bibliographie, doivent être envoyés avant le 20 janvier
2013 à :
annie-claustres @ inha.fr, larisa.dryansky @ paris-sorbonne.fr, et
riccardo.venturi @ inha.fr
Comité scientifique :
Annie Claustres , conseiller scientifique en charge du domaine
Histoire de l’art contemporain XXe-XXIe s., INHA, maître de
conférences HDR, Université Lyon 2-Louis Lumière
Larisa Dryansky , maître de conférences en histoire de l’art
contemporain, Université Paris-Sorbonne, Paris IV
Riccardo Venturi , pensionnaire dans le cadre du domaine Histoire de
l’art contemporain XXe-XXIe s., INHA
Le défraiement relatif au séjour à Paris sera pris en charge par
l’INHA (billet d’avion, trois nuits d’hôtel).
Pour en savoir plus, rendez-vous sur :
http://www.inha.fr/spip.php?article4209
Quellennachweis:
CFP: (Re)viewing Expanded Cinema (Paris, 27-28 Jun 13). In: ArtHist.net, 17.12.2012. Letzter Zugriff 31.03.2025. <https://arthist.net/archive/4392>.