(English version below)
Appel à contributions.
Colloque.
LA SCULPTURE BOURGUIGNONNE DU XVe SIECLE.

Notre connaissance de la sculpture en France d’un long XVe siècle qui irait du gothique international à la première Renaissance se trouve dans une situation paradoxale. Elle a été enrichie de nombreuses études durant les dernières décennies, qui ont porté sur les artistes et les centres ou régions de production, sur les chantiers les plus significatifs, sur les commanditaires, sur certaines formes et sur certaines iconographies, sans oublier les matériaux et les techniques. Tous ces travaux ont souligné s’il en était besoin le dynamisme et la qualité de la production sculptée du dernier siècle du Moyen Âge dans le royaume de France et, au sein de celui-ci, tout particulièrement du foyer artistique bourguignon. Produit d’un dense réseau d’artistes et de commanditaires, la production sculptée des espaces rassemblés sous la domination des princes Valois de Bourgogne depuis Philippe le Hardi (1347-1404) jusqu’à leurs lointains héritiers impériaux au début du XVIe siècle a depuis fort longtemps retenu l’attention des historiens de l’art qui ont su y reconnaître un véritable « chaudron » de la sculpture française et européenne de la fin du Moyen Âge.
Pour autant, depuis les travaux de Louis Courajod (1841-1896), André Michel (1853-1925), Paul Vitry (1872-1941), Marcel Aubert (1884-1962) ou Pierre Quarré (1909-1980), les récits de la discipline ont peu évolué à propos de cette production : ils restent structurés par les personnalités artistiques des sculpteurs de l’atelier ducal (Claus Sluter, Claus de Werve, Jean de La Huerta et Antoine Le Moiturier) et continuent à relayer les mêmes poncifs sur les drapés animés et généreux, appelés à laisser place à ceux de la détente ligérienne qui, elle-même, prépare le terrain des nouveautés de la Renaissance. À y regarder de plus près pourtant, ces récits se heurtent à la contradiction obstinée et fréquente des œuvres comme des sources. La construction de ces récits à l’occasion des grandes synthèses des XIXe et XXe siècles, alors que les territoires restaient moins bien connus qu’aujourd’hui, pèse encore sur le regard que nous portons sur la sculpture bourguignonne du XVe siècle.
Cette histoire, telle qu’elle est ainsi racontée, est le produit de configurations idéologiques enracinées dans une époque bien déterminée, ce qui a déjà été souligné, mais on a moins souvent remarqué qu’il a rendu difficile toute réelle réappréciation de cette production. Quand André Chastel (1912-1990) fait de l’art du XVe siècle un jalon dans la constitution progressive d’un « goût français », d’une « manière française », mis en parallèle avec la marche vers l’unification politique du royaume, scandée par la chevauchée héroïque de Jeanne d’Arc jusqu’en 1431 puis l’intégration de l’Aquitaine en 1453, de la Bourgogne en 1477, de l’Anjou en 1481, de la Provence en 1487, de la Bretagne en 1521 ou du Bourbonnais en 1531, cette construction historiographique repose en premier lieu plus sur l’étude de l’architecture et de la peinture sous ses différentes formes que sur celle de la sculpture, qui n’est guère convoquée qu’à la marge. Louis Courajod avait lui antérieurement convoqué cette sculpture mais essentiellement pour en faire le vecteur d’un baptême septentrional de l’art français, venu contrebattre les influences, jugées délétères, de la latinité méridionale.
C’est l’ensemble de ces récits que le présent colloque veut remettre sur l’établi. Dans le cadre d’un partenariat noué par l’université de Bourgogne, l’université de Franche-Comté, l’université de Lausanne et le musée du Louvre, une réflexion collective est engagée depuis 2021 sur la sculpture bourguignonne du XVe siècle. Ce programme de recherche a déjà donné lieu à une rencontre, tenue à Lausanne en mai 2022, consacrée plus spécifiquement au rayonnement européen de cette sculpture, à ses sources comme à ses réceptions. Le colloque qui se tiendra à Dijon du lundi 11 au mercredi 13 décembre 2023 visera à prolonger cette discussion en abordant les différents aspects soulevés par ce patrimoine remarquable : ses enjeux historiographiques pour l’histoire de la discipline ; la manière dont découvertes et travaux récents ont dernièrement contribué à reconfigurer les récits anciens ; les questions méthodologiques soulevées par le rattachement des corpus d’œuvres aux grandes figures documentées ; l’insertion repensée de cette production dans le panorama strictement sculpté puis plus largement artistique du royaume à la fin du Moyen Âge ; les phénomènes de coexistence, de résistances et d’idiosyncrasies locales perceptibles dans le territoire, notamment dans sa production vernaculaire, tels que le paradoxe (et non des moindres) du constat d’une réception finalement numériquement fort réduite de l’œuvre de Claus Sluter, pourtant devenu figure tutélaire de la sculpture bourguignonne ; à ce titre, la manière dont la singularité géographique et politique de la division entre terres de par-deçà (la Bourgogne et la Franche-Comté géographiquement françaises) et de par-delà (les Pays-Bas méridionaux) a participé à façonner une possible identité visuelle de la sculpture bourguignonne. On espère, à l’occasion de ce colloque, faire surgir de nouvelles œuvres, de nouveaux ensembles sculptés jusqu’à présent ignorés ou mal pris en considération par la critique, comme on souhaite bénéficier des travaux les plus récents consacrés aux matériaux et aux techniques de cette sculpture.
Ce colloque est en lien direct avec le projet d’une grande exposition qui se tiendra au musée des Beaux-Arts de Dijon en 2026 et qui sera consacrée à la sculpture bourguignonne du XVe siècle. À ce titre, il sera aussi d’occasion de réfléchir collectivement au synopsis de cette exposition à venir et aux problématiques qu’elle pourrait être amenée à soulever (un atelier de travail sera ainsi consacré à cette réflexion en clôture de ces trois journées de colloque).

Pour ce projet, nous invitons donc les chercheurs et les chercheuses à soumettre aux organisateurs des propositions de communication pouvant concerner les aspects suivants de ce thème (liste non limitative) :
Des communications, donc,…
- … visant à présenter des dossiers monographiques d’œuvres pas ou peu travaillées ;
- … présentant des dossiers monographiques renouvelant nos connaissances sur des œuvres connues ;
- … traitant de questions iconographiques propres à la sculpture bourguignonne du XVe siècle ;
- … abordant les aspects techniques et matériels de cette production sculptée ;
- … s’intéressant aux commanditaires de cette sculpture et aux enjeux politiques ou dévotionnels de cette commande ;
- … envisageant cette sculpture bourguignonne du XVe siècle du point de vue de son rôle dans l’historiographie de la discipline depuis le XIXe siècle ;
- … se servant de dossiers comparatifs avec d’autres territoires pour mieux mettre en évidence les singularités de cette production bourguignonne ou ses points communs.

Les propositions devront être envoyées à Mme Melissa Nieto (melissa.nietounil.ch) et être constituées 1) d’un résumé de la logique de la communication proposée, faisant une page maximum ; 2) d’une courte présentation biographique d’une demi-page.
L’ensemble devra être envoyé avant le 1er février 2023.
Les réponses seront communiquées avant le 1er mars 2023.

Le comité d’organisation :
Thomas Flum (université de Franche-Comté)
Jean-Marie Guillouët (université de Bourgogne)
Sophie Jugie (musée du Louvre)
Michele Tomasi (université de Lausanne)

BURGUNDIAN SCULPTURE OF THE 15TH CENTURY

Our knowledge about sculpture in France during the long 15th century, from the International Gothic period to the early Renaissance, is in a paradoxical situation. It has been enriched by numerous studies over the last few decades, which have focused on certain issues such as the artists and the centers or regions of production, on the most significant building sites, on the commissioners, on certain forms and iconographies, not to mention the materials and techniques. All these works have underlined, if it were necessary, the dynamism and the quality of the sculpted production of the last century of the Middle Ages in the kingdom of France and, within it, particularly in the Burgundian artistic center. The product of a dense network of artists and patrons, the sculptural production of the areas under the rule of the Valois princes of Burgundy from Philip the Bold (1347-1404) to their distant imperial heirs at the beginning of the sixteenth century has long attracted the attention of art historians, who have recognized it as a veritable "melting-pot" of late medieval French and European sculpture.
However, since the works of Louis Courajod (1841-1896), André Michel (1853-1925), Paul Vitry (1872-1941), Marcel Aubert (1884-1962) or Pierre Quarré (1909-1980), the narratives of Art History have not changed much about this production: they remain structured by the artistic personalities of the sculptors of the ducal workshop (Claus Sluter, Claus de Werve, Jean de La Huerta and Antoine Le Moiturier) and continue to relay the same clichés on the animated and generous draperies, supposed to give way to those of the Loire détente, which, itself, prepares the field for the innovations of the Renaissance. On closer inspection, however, numerous works of art as well as documentary sources come up frequently and persistently in contradiction with such narratives. These narratives born with the great syntheses of the 19th and 20th centuries, when the territories remained less well known than they are today, still weighs heavily on our views about 15th-century Burgundian sculpture.
This history, as it is told, is the product of ideological configurations rooted in a specific period. It has already been emphasized, but it has been less often noticed that it has made any real reappraisal of this production difficult. When André Chastel (1912-1990) makes of the art of the 15th century a milestone in the progressive constitution of a "French taste", of a "French manner" (put in parallel with the march towards the political unification of the kingdom, scandalized by the heroic ride of Joan of Arc until 1431 then the integration of Aquitaine in 1453, Burgundy in 1477, Anjou in 1481, Provence in 1487, Brittany in 1521 or Bourbonnais in 1531), this historiographic construction is based primarily on the study of architecture and painting in its various forms rather than on sculpture, which is only marginally used. Louis Courajod had previously called upon this sculpture, but essentially to make it the vector of a northern baptism of French art, to counteract the influences, deemed as deleterious, of southern Latinity.
It is the whole of these accounts that the present colloquium wants to put back on the workbench. A partnership between the University of Burgundy, the University of Franche-Comté, the University of Lausanne and the Louvre Museum, led to a collective reflection undertaken since 2021 on 15th century Burgundian sculpture. This research program has already given rise to a meeting, held in Lausanne in May 2022, devoted more specifically to the European influence of this sculpture, its sources as well as its receptions. The colloquium to be held in Dijon from Monday, December 11 to Wednesday, December 13, 2023, will aim to extend this discussion by addressing the various aspects raised by this remarkable heritage: its historiographical stakes for the history of Art History as a discipline; the way in which recent discoveries and works have recently contributed to reconfiguring ancient narratives; the methodological questions raised by the willing to attach specific artworks to the great documented figures; the rethought insertion of this production into the strictly sculptural, and then more broadly artistic, panorama of the kingdom in the late Middle Ages; the phenomena of coexistence, resistance and local idiosyncrasies perceptible in the territory, notably in its vernacular production, such as the paradox (and not the least) of the numerically very reduced reception of the art of Claus Sluter, who nevertheless became a tutelary figure of Burgundian sculpture; in this respect, the way in which the geographical and political singularity of the division between the lands “de par-deçà” (Burgundy and the geographically French Franche-Comté) and the territory of et “de par-delà” (the Southern Netherlands) was taken into account to understand the building up of a specific style. We hope, on the occasion of this symposium, to bring out new works, new sculpted ensembles hitherto ignored or poorly taken into consideration by critics, as we wish to benefit from the most recent works devoted to the materials and techniques of this sculpture.
This symposium is directly linked to the project of a major exhibition to be held at the Museum of Fine Arts in Dijon in 2026 and which will be devoted to Burgundian sculpture from the 15th century. As such, it will also be an opportunity to organize a collective brainstorming on the synopsis of this upcoming exhibition and the issues it could raise (a workshop will thus be devoted to this reflection at the end of these three days of the colloquium).

For this project, we therefore invite researchers to submit to the organizers proposals for papers that may concern the following aspects of this theme (non-limitative list):
Papers, therefore,...
- ... aiming to present monographic studies on artworks that have not been worked on, or have been overlooked;
- ... presenting monographic studies renewing our knowledge of well-known artworks;
- ... dealing with iconographic questions specific to 15th century Burgundian sculpture;
- ... addressing the technical and material aspects of this sculptural production;
- ... looking at the commissioners of this sculpture and the political or devotional stakes of these commissions;
- ... considering this 15th century Burgundian sculpture in terms of its role in the historiography of the discipline since the 19th century;
- ... using comparisons with other territories to better highlight the singularities of this Burgundian production or its common points.

Proposals should be sent to Ms. Melissa Nieto (melissa.nietounil.ch) and should consist of 1) a summary of the proposed paper’s rationale, not exceeding one page; 2) a short biographical presentation of half a page.

The entire proposal must be sent by February 1, 2023.
Responses will be provided by March 1, 2023.

Organizing Committee:
Thomas Flum (University of Franche-Comté)
Jean-Marie Guillouët (University of Burgundy)
Sophie Jugie (Louvre Museum)
Michele Tomasi (University of Lausanne)