(English version below)
Colloque international et pluridisciplinaire
Les cinq sens de la ville
du Moyen Âge à nos jours
Les 19 et 20 mai 2011
Université François-Rabelais de Tours
CeRMAHVA/Equipe « Histoire des villes »
3 rue des Tanneurs
F - 37041 Tours Cedex 1
Comité d'organisation:
Robert Beck, Ulrike Krampl, Emmanuelle Retaillaud-Bajac
Le colloque « Les cinq sens de la ville » se propose dexplorer le
paysage sensoriel urbain (Alain Corbin) en partant de lexpérience
individuelle et collective des citadins et usagers des villes,
l'expérience entendue ici comme instance de jugement (Arlette Farge),
dont l'étude sera associée à celle des objets de la perception
sensorielle. Il sagira, en effet, dhistoriciser le lien entre lespace
et les sens en tant que ressort essentiel de la construction de la ville
comme ensemble signifiant (Jean-François Augoyard). La réalité urbaine
est fabriquée à travers des « pratiques despace » (Michel de Certeau),
au nombre desquelles on peut compter lexpérience sensorielle : la
figure du citadin comme observateur sensible tout comme le paysage
urbain et ses acteurs seront ainsi placés au centre de la réflexion sur
la nature urbaine des sensibilités dans l'histoire. Il s'agira aussi
d'aborder la ville comme lieu producteur et multiplicateur d'expériences
sensorielles, par là comme un lieu attractif ou répulsif pour tous les
groupes qui l'approchent, l'occupent et en font usage.
L'expérience sensorielle a elle-même une histoire et la hiérarchie des
sens se réorganise en fonction de l'histoire et de l'espace
géographique, culturel et social. Elle est modelée par les discours et
les représentations que véhiculent les sciences, les religions, la
politique, lart et la littérature : pourquoi, par exemple, la ville du
XIXe siècle peut-elle être représentée dans un cadre bucolique ? De
même, il importera d'analyser la rencontre entre morale, médecine et
sensibilités en ce qu'elle permet dopérer des distinctions
socio-politiques : la perception sensorielle de quartiers pauvres depuis
la fin du XVIIIe siècle, celle qu'a un voyageur, amateur ou
scientifique, dune ville lointaine, les « cités » ou « quartiers »
d'aujourd'hui, etc. Or, les conceptions médiévales et modernes d'un
corps travaillé de l'intérieur par les humeurs tout en étant traversé
par des forces naturelles et surnaturelles, invitent à réfléchir
différemment sur la nature et la hiérarchie des sensations. Mais les
sensibilités en milieu urbain sont également structurées par des
identités de genre, qui induisent toute une gamme de possibles et
d'interdits. Comment se distribuent, selon le genre, les appartenances
sociales et culturelles ou encore l'âge, la hiérarchie des perceptions
et leur degré d'acuité? Comment interviennent, dans la perception des
villes, des sensations sous-tendues par des représentations de genre
(comment s'établit le lien, par exemple, de "Paris-ville des plaisirs" à
"Paris-ville de la femme"?). Par ailleurs, l'interpénétration entre les
représentations et les évolutions technologiques et urbanistiques,
accélérées depuis le XVIIIe siècle - l'éclairage des rues, les modes de
transport (cheval, voiture, train, etc.), les infrastructures (l'eau, le
gaz et l'électricité ; le tout à l'égout), etc. - constitue un des
jalons majeurs de l'histoire des sensibilités urbaines. Enfin, le corps
en mouvement affecte lui aussi le dispositif sensoriel. Que veut dire,
finalement, « se sentir » chez soi, que veut dire être « touché » par
l'autre ? Autrement dit, comment saisir lexpérience sensible de
laltérité urbaine ?
Le colloque se propose d'explorer plus spécifiquement les axes suggérés
ci-dessous. S'ils sont loin d'épuiser l'ensemble des problématiques
impliquées par le sujet, ils entrent en résonance avec la réflexion
contemporaine sur l'histoire du genre, de l'alimentation, de
l'environnement, des identités sociales et des politiques urbaines, et
font appel à plusieurs disciplines:
1/ Sens, identités sociales, constructions daltérité
Le paysage sensoriel diffère d'un quartier à l'autre, mais aussi d'une
ville à l'autre, d'une culture à l'autre. Sons, voix, arômes, odeurs,
couleurs, des manières de (se) regarder et de (se) toucher, gestes et
mouvements interviennent dans la construction d'identités sociales,
régionales et culturelles. L'ailleurs sent différemment. L'identité
sensorielle d'un lieu peut devenir porteuse de distinctions sociales ou
culturelles, que ce soient les « beaux quartiers » - pour dire aisés -
ou la ville « exotique », étrangère aux habitudes sensorielles
d'Européens, Paris, ville de l'amour, le quartier des « immigrés » ou le
ghetto juif médiéval et moderne, le « Marais » parisien synonyme
d'homosexualité, les berges d'un fleuve dans la ville marquées par
l'activité économique et sociale qui s'y exerce (tanneries,
prostitution, flâneries, etc.). Comment ces identités sont-elles
contruites, comment sont-elles appropriées, quels sont leurs enjeux
sociaux et politiques?
2/ Espaces et temporalités de lexpérience sensorielle
Lexpérience sensorielle de la ville se décline selon le climat, les
saisons, les conditions météorologiques et les temps de la journée,
l'alternance des jours et des nuits: la cathédrale de Rouen vue par
Claude Monet en fournit un exemple fort. Le moment et lespace de la
saisie sensorielle dune ville peut ainsi jouer un rôle déterminant de
la perception de la ville, et de limage que lobservateur en garde.
3/ Administration, gestion et police des sensibilités dans lespace urbain
Les autorités savent travailler lappareil sensoriel des usagers de la
ville à leur propre dessein. En cas dalerte ou d'événements de portée
collective, pour annoncer une nouvelle ou rassembler la communauté,
battre le tambour, faire sonner les trompettes ou les cloches suscitent
la peur, la joie, l'adhésion ou le rejet et chargent le paysage sonore
d'une dimension à la fois affective et politique. Manifestations,
laïques et religieuses, célébrations officielles ou processions
interpellent tous les sens à la fois. Le spectacle public s'avère par là
un instrument du pouvoir, mais aussi de sa contestation.
Relevant d'une temporalité plus lente, laménagement urbain repose,
depuis l'époque classique, sur une prise en compte croissante des sens
(odeurs, bruits) et peut l'associer à une mise en scène d'insignes du
pouvoir que ce soit par l'édification de bâtiments et de statues ou
l'installation d'infrastructures publiques et de commerces. Façonner la
matérialité de la ville revient à façonner les sens des citadins. Ainsi
peut-on poser la question des sens heurtés, voire traumatisés dans un
contexte de destruction incendie, bombardement, inondation,
tremblement de terre - qui modifie radicalement le paysage sensoriel de
la ville.
4/ La ville a-t-elle un goût?
Une ville possède-t-elle son propre goût ? Croiser l'histoire urbaine et
l'histoire de l'alimentation peut nous éclairer sur l'importance, dans
la perception, de la représentation et de la mémoire d'un espace, que
peut revêtir la cuisine locale, du café français à la taverne bavaroise,
en passant par les gargotes des villes arabes et les vendeurs ambulants
de thé en Inde. Comment le « terroir » s'associe-t-il à la ville, quel
est le rôle d'un goût urbain dans les politiques urbaines, quels sont
leurs enjeux économiques ?
5/ Histoire des sens et histoire de lenvironnement
La notion moderne denvironnement sappuie sur un discours scientifique
qu'il s'agit de questionner; mais elle est autant le produit de la
transformation de nos sensibilités sensorielles qui accompagne, depuis
lépoque moderne, la réorganisation des sociétés occidentales. Façonnés
socialement et politiquement, nos sens contribuent ainsi à la
construction dune sensibilité écologique proprement urbaine qui
commence par celle des odeurs (politiques dassainissement), complétée
à lépoque contemporaine par la vue (lhaussmannisation des villes au
XIXe siècle ; la ville « laide » au XXIe siècle
) et par louïe (les «
nuisances sonores », etc.). Plus rarement prises en compte, les couleurs
y ont leur part, que ce soit pour des considérations commerciales
(tourisme) ou esthétiques (reconstruction de bâtiments historiques ou
patrimoniale). La mise en perspective historique permettra ainsi
d'interroger l'évidence apparente d'une sensibilité, omniprésente
aujourd'hui, qui oriente les politiques publiques. Par ailleurs, l'usage
heuristique de la notion contemporaine d'environnement, peut apporter
des éclairages inédits sur les sociétés anciennes.
Les propositions de communication (max. 1 page) sont à envoyer, par
courrier électronique, en français ou en anglais,
jusqu'au 30 novembre 2010
aux adresses suivantes:
robert.beckwanadoo.fr
ulrike.krampluniv-tours.fr
emmanuelle.retaillaud-bajacuniv-tours.fr
La durée des communications sera de 20 minutes. Une version écrite des
communications retenues doit être envoyée au comité d'organisation
jusqu'au au 25 avril, en vue de l'élaboration d'un reader disponible
lors du colloque.
La publication des actes est envisagée.
CALL FOR PAPERS
International Conference
The Five Senses of the City
From the Middle Ages to the contemporary period
May 19-20 2011
Université François-Rabelais de Tours - France
CeRMAHVA/Equipe « Histoire des villes »
Organization:
Robert Beck, Ulrike Krampl, Emmanuelle Retaillaud-Bajac
The conference The five senses and the city aims to explore the urban
sensorial landscape (Alain Corbin), starting from the individual and
collective experience of city dwellers and users, an experience which
can be understood as a resource for sensible expression and action
(Arlette Farge), in association with the study of the objects of
sensorial perception. Our ambition is to historicize the link between
urban space and the senses, as a central tool for the construction of
the city as a body of significations (Jean François Augoyard). Urban
reality is elaborated through spatial practices (Michel de Certeau),
among which sensorial experiences are essential: our reflection on the
urban aspects of the history of sensibility will thus concentrate on the
figure of the urban dweller as a privileged observer, as well as the
urban landscape and the people who live in it. The city shall
furthermore be considered as the generator and amplifier of sensorial
experience; it can thus appear in turn attractive or repellent to groups
that approach and occupy it.
The history of sensorial experience is not linear: the hierarchy of the
senses is in permanent flux, depending on the historical, geographical
and cultural context. Discourses on senses and their representations are
shaped by science, religion, politics, art and literature: for instance,
how come the 19th century city is so often pictured in rural settings?
We should also take into account and analyse the role of ethics and
medicine, which are central in the shaping of socio-political
distinctions: lets consider, for instance, the perception of poor
neighbourhoods since 18th century, or that of a faraway city by an
amateur traveller or a scientist or again, that of inner cities today.
The posture and position of the body in motion are crucial in our
perceptions. Medieval and modern conceptions of the human body
governed by humours, as well as penetrated by natural and supernatural
forces, will help us to think differently about the nature and hierarchy
of sensations. Furthermore, the increasingly important role of technical
and urban changes since the XVIIIth century has to be taken into
account, since they play a major part in the history of urban
sensibility: lets think about city lighting, means of transportation
(horses, cars, trains
), infrastructures (water, gas, electricity,
sewage system
). Furthermore, sensorial experience is structured by
gender identities, through a series of prohibitions and possibilities.
How does gender, combined with other social categories, organize the
hierarchy of perceptions? How do sensations - shaped by representations
- infere in the perception of a urban space (e.g. the link "Paris, the
city of pleasure" - "Paris, the city of the woman")? In other words,
what does it mean to feel at home, to be touched by another person?
How can we register the urban experience of the Other?
In addition to history, the history of urban sensibility calls for the
cooperation of many disciplines, such as sociology, geography,
ethnology, philosophy, cognition, as well as literary or theatre
studies, linguistics, musicology, art and architecture history, urban
planning and urbanism.
1/ Senses, social identities, and the construction of alterity
The sensorial landscape differs from one urban neighbourhood to another,
from one city to another, and from one culture to another. Sounds,
voices, scents, smells, colours and the ways people look at each other
and touch each other, all gestures and movements are key elements which
participate in the construction of social, regional and cultural
identities. The place we call elsewhere feels different. The sensorial
identity of a place contributes to the construction of social and
cultural differences. For example "beaux quartiers" means rich
neighbourhoods. Some cities are perceived as exotic because they are
strange to Occidental sensorial habits. Paris becomes the city of
love, we talk of neighbourhoods with immigrants, of the Jewish ghetto
of medieval or modern times, of the Paris quarter of the Marais as
synonym of homosexuality. Urban riversides are characterized by economic
and cultural activities (tanneries, prostitution, strolling, etc.). How
can we explain the construction of sensorial identities, their
appropriation, and their social and political importance?
2/ Spaces and temporalities of sensorial experience
The sensorial experience of a city varies depending on climate, seasons,
weather conditions, the time of day and/or night. Claude Monet's vision
of the Rouen cathedral is a telling example. Time and place thus are key
factors in the sensorial perception of the city and the image the
observer keeps in mind.
3/ Administration, management and policing of sensibilities in the urban
space
The authorities know how to manipulate the city-dwellers sensibility to
get their own way. Demonstrations, religious processions, official
political gatherings address all five senses at once. In a case of
emergency, for events of collective importance or in order to make a
public announcement, the voice and the drum of the town crier, the
ringing of church or town halls bells or the trumpets of a regiment's
band can inspire fear or joy, political support or rejection. Noises,
music, colours, smells (fireworks, incense, etc.) infuse the sensorial
landscape with political and emotional meanings. Public performances
thus become instruments of power but also instruments which can
challenge this power.
From the seventeenth century onwards, urban development increasingly
takes into account city dwellers' senses (smells, noises) by associating
their senses to the display of power, e.g. through the erection of public
buildings and statues and their decoration or the setting up of
infrastructures
and commercial sites. The shaping of the urban materiality also means the
shaping up of people's sensibility. For this very reason, it is important
to assess trauma as a sensorial experience due for example to destruction
in war-time, to fire or natural disaster which radically transform the
sensorial framework.
4/ How does a city taste?
Do cities have a taste of their own? The question combines the history
of food with urban history and can provide insights in the ways a site
is perceived, represented and remembered. Local culinary specialities
and traditions have informed the urban space with the Paris cafe or the
Viennese coffee-house, the Bavarian tavern or the "gargotes" in Arab
cities or the tea-sellers in India. How does the "terroir" relate to the
city, does urban taste inform public policies, what economic issues are
at stake?
5/ The history of the senses and environmental history
The modern idea of environment is based on a scientific discourse which
has to be questioned; nevertheless that concept is also the result of
the transformation of our sensibilities, which came with the
reorganization of Western societies since the early modern times.
Historically speaking, the senses shape a specific urban ecological
attentiveness, starting with smells (strategies of improvement of urban
sanitation systems, 18th c.) and completed in modern times by visual
perception (the city of Haussmann in the 19th c.; the ugly city of the
21st c.) and by auditory sensitivity (e.g.: noise pollution). Although
more often than not neglected colours play an essential part in
informing the sensorial landscape, as they are important to commercial
(tourism) or esthetical views (reconstruction/rehabilitation of
historical buildings and cultural heritage). By adopting an historical
perspective, it may be possible to question the contemporary sensitivity
and the way it informs public policies. On the other hand a heuristic
application of the modern notion of environment can also shed new light
on pre-modern societies.
Proposals of max. 1 page/200 words, including a short bio-bibliography,
should be submitted by email in French or in English
by November 30, 2010
to:
robert.beckwanadoo.fr
ulrike.krampluniv-tours.fr
emmanuelle.retaillaud-bajacuniv-tours.fr
Talks are limited to 20 minutes. A written version of the paper should
be addressed to the organizers by April 25, 2011, in order to make a
reader available to the participants during the conference.
Publication of selected conference papers is planned.
Université François-Rabelais de Tours
CeRMAHVA/Equipe "Histoire des villes"
Département d'histoire et d'archéologie
3 rue des Tanneurs
F - 37041 Tours Cedex 1
Reference:
CFP: Les cinq sens de la ville (Tours, 19-20 May 11). In: ArtHist.net, Oct 31, 2010 (accessed Nov 5, 2025), <https://arthist.net/archive/32997>.