ANN 12.03.2007

Journee d'Etudes "Expolitiques" (Paris, 17 Mar 07)

Natasa Petresin

EXPOLITIQUES.
DEUX EXPOSITIONS EN DÉBAT

SAMEDI 17 MARS 2007, 10H00 - 17H00,
Amphithéâtre de l'EHESS, 105 bd Raspail, 75006, Paris

10H00 - 12H30 : UTOPIA STATION
(Biennale de Venise 2003, Francfort, Poughkeepsie, Munich, Porto Alegre, à
suivre)
conçue par Molly Nesbit, Hans Ulrich Obrist et Rirkrit Tiravanija,
Présentée par Molly Nesbit et Hans Ulrich Obrist

12H45 - 14H15 Pause. Déjeuner.

14H30 - 17H00 : LA CHOSE PUBLIQUE-ATMOSPHERES DE LA DEMOCRATIE
(ZKM, Karlsruhe, 20.03 - 03.10.2005)
conçue par Bruno Latour et Peter Weibel,
Présentée par Bruno Latour

Discutants :
Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, Eric Alliez, Claire Fontaine, Yona
Friedman, Nasrine Seradji, Immanuel Wallerstein, Jacques Rancière, Yan
Thomas, Liam Gillick, Corinne Diserens, Anton Vidokle, Claire Bishop,
Bernard Blistène, Jean-Luc Moulène and others to be announced.

Une journée d'études organisée dans le cadre du programme « Artistes &
Sciences humaines » CESTA (Patricia Falguières) / Programme « Art
contemporain et mondialisation » (dirigé par Zahia Rahmani à l'INHA), avec
le concours de Elisabeth Lebovici et Natasa Petresin dans le cadre du
séminaire du CESTA « Something you should know ».

Deux expositions de grand format ont, au cours des deux dernières années,
proposé une nouvelle approche de la chose publique : Utopia Station, conçue
par Molly Nesbit, Hans Ulrich Obrist et Rirkrit Tiravanija, dont la première
« station » s'est constituée à la Biennale de Venise en 2003, La chose
publique - Atmosphères de la démocratie, conçue par Bruno Latour et Peter
Weibel pour le ZKM de Karlsruhe, la même année. Leur ampleur, le nombre de
participants impliqués et la continuité de cette implication collective,
leur ambition en font de « grandes machines » d'un genre inédit. Le propos
des organisateurs dans les deux cas était de renouveler l'économie de
l'exposition elle-même -concevoir un dispositif plutôt qu'un espace, une
structure actualisable au gré des circonstances (Utopia Station), ou au
contraire renouer avec la logique du spectacle pour éprouver la résistance
de la notion de « représentation » (La chose publique). Il est remarquable
qu'aucune de ces deux expositions n'ait été accueillie en France : il semble
toujours difficile d'admettre, dans ce pays de vieille culture politique,
que l'exposition puisse constituer un espace légitime de réflexion
collective autour d'enjeux aussi considérables que « l'utopie » ou « la
représentation ». Ou qu'un philosophe puisse risquer sa réflexion dans une
expérience d'agencement collectif des objets, des espaces, des parcours et
des événements qu'est une exposition, autrement que sur un mode illustratif.
Ou que des artistes, nourris des expérimentations menées dans les années 70,
puissent chercher à rénover les formes de la critique institutionnelle et de
la créativité politique.
Aujourd'hui, deux ans après la clôture de Making things public et tandis qu'
Utopia Station poursuit ses pérégrinations à travers le monde, où en
sommes-nous ?
À l'heure du franchising des musées d'art contemporain et de la
multiplication des biennales au gré des nouvelles concentrations
capitalistes, de grandes expositions expérimentales et critiques au sein des
institutions sont-elles encore imaginables ? sont-elles même pertinentes ?
Ou peut-on penser que l'atonie des débat politiques, la délimitation de plus
en plus incertaine de l'espace public et la démonétisation de la parole des
experts rendent plus urgente encore l'exposition comme expérience des idées?
La discussion est ouverte.

UTOPIA STATION
Biennale de Venise 2003, Francfort, Poughkeepsie, Munich, Porto Alegre...
Molly Nesbit, Hans Ulrich Obrist et Rirkrit Tiravanija

L'utopie a-t-elle disparu de notre horizon ? c'est en partant du constat que
l'utopie, le désir « d'imaginer la totalité comme différente » pour
reprendre les termes d'Ernst Bloch, se trouve aujourd'hui discréditée que
Molly Nesbit, Hans Ulrich Obrist et Rirkrit Tiravanija ont inventé UTOPIA
STATION : moins une exposition itinérante à géométrie variable, les Stations
Utopie, impliquant aujourd'hui, au fil des séminaires, recontres,
expositions, publications, conférences, plus de 300 artistes, architectes,
théoriciens, écrivains et performers, toutes générations confondues, qu'une
machine ou un dispositif pour catalyser autour d'un mot trop rarement
prononcé, « utopie », la créativité collective : « Utopia Station ne
requiert aucune architecture pour exister, une simple rencontre, une réunion
suffisent » annoncent ses concepteurs. C'est à la Biennale de Venise en 2003
qu'a été mise à l'épreuve la première version du dispositif UTOPIA STATION
que décrit en ces termes Liam Gillick, l'un de ses organisateurs : « ça
commence par une longue plate-forme basse, un peu dance -floor, un peu scène
de théâtre, un peu quai de gare ou de port. Sur l'un des deux côtés de cette
plate-forme, une rangée de larges bancs circulaires, d'où vous pouvez
regarder le mouvement qui anime la plate-forme ou lui tourner
silencieusement le dos, ou encore traiter le cercle comme une source
abondante de conversation. Chaque banc peut accueillir dix personnes. Les
bancs circulaires sont portables, on peut choisir de les disposer en ligne
comme une rangée de grosses roues. De l'autre côté de la plate-forme, un
long mur s'élève, il est percé de plusieurs portes. Certaines de ces portes
vous mènent de l'autre côté du mur. D'autres ouvrent sur de petites salles
dans lesquelles vous verrez des projections et des installations. Le mur
s'enroule autour des salles et les relie de manière à former une longue
structure irrégulière. Au-dessus de cette structure flotte un toit suspendu
par des câbles à la voûte de cette caverne gigantesque qu'est le vieil
entrepôt situé tout au bout de l'Arsenal de Venise. À l'extérieur de
l'entrepôt, un jardin à l'abandon. La Station y dégorge son activité et
l'envahit.
La Station elle-même sera remplie d'objets, de quasi objets, de peintures,
d'images, d'écrans. Autour, une multitude de bancs, de tables, de petites
structures trouvent leur place. Dans la Station on pourra prendre un bain ou
se poudrer le nez. En d'autres termes la Station devient un lieu où se
poser, contempler, écouter et voir, se reposer et se rafraîchir, paler et
échanger. Car elle sera complétée par la présence des gens et le programme
des événements. Performances, concerts, conférences, lectures, projections
de films, fêtes, les événements se multiplieront. Tout autant que les corps
solides qui y trouvent place, les gens et les événements définissent la
Station. Mais toutes sortes de choses vont continuer à s'ajouter à la
Station au fil de l'été et jusqu'à la fin [de la Biennale]. Les gens y
laisseront des choses derrière eux, en emméneront d'autres, reviendront ou
n'y remettront plus jamais les pieds. Il y aura toujours des gens qui
voudront y laisser trop de choses, et d'autres qui ne sauront pas quoi y
laisser ni quoi y dire. Autant de défis pour avoir monté Utopia Station au
c¦ur d'une grande exposition d'art.Mais aussi autant d'effets imprévisibles
(Carsten Höller a cherché à aller au-devant d'eux), de tournants où quelque
chose qui manquait devient quelque chose en trop. Pour Höller, l'incertitude
produite par la différence entre ces deux « quelque chose », est tout aussi
significative que n'importe quelle idée de l'utopie. Ces tensions, nous les
accueillerons comme nos hôtes ».

Sites internet :
http://www.e-flux.com/projects/utopia/
http://site.voila.fr/dalbera/venise_2003/biennale/arsenal/invites_utopie.htm
http://www.fehe.org/index.php?id=265
http://www.hausderkunst.de/new/deutsch/ausst/ausst_pages/utopia_e.php

LA CHOSE PUBLIQUE-ATMOSPHERES DE LA DEMOCRATIE
(ZKM, Karlsruhe, 20.03 - 03.10.2005) Bruno Latour, Peter Weibel.

« La motivation principale d'une telle entreprise, précise en 2005 Bruno
Latour, est que nous nous trouvons dans une époque politiquement
décourageante. C'est justement dans un moment pareil qu'il est bon de
prendre un nouveau départ ». Déployée sur une surface de 2500 m2 au ZKM de
Karlsruhe, Making things public- Atmospheres of Democracy est l'une des plus
ambitieuses expositions conçues en Europe depuis Les Immatériaux conçue et
organisée en 1985 au Centre Pompidou par Jean-François Lyotard. Résolument
high -tech, mélant interventions d'artistes et de chercheurs, documents et
¦uvres, l'exposition, une « installation d'installations », se veut une
contribution « à l'écriture d'une constitution efficace pour l'Europe », une
approche concrète non pas simplement de la démocratie représentative, mais
de toutes les autres formes de représentation :
« L'idée centrale de l'exposition est que la politique tourne d'abord autour
de choses -comme l'indique d'ailleurs fort bien l'étymologie, il est vrai un
peu oublié, de République (res-publica). La politique n'est pas seulement
une sphère, une profession, une occupation, c'est bien plus un certain type
de souci portant sur les « causes », les « affaires » dont chacune demande
une forme particulière d'attention publique. Le public n'est pas donné une
fois pour toutes, il ne s'agit pas du peuple souverain représenté par ses
élus officiels et incarné par l'Etat. Au contraire, il faut faire émerger un
public, selon les termes de John Dewey, pour chaque nouvelle « cause » ou «
chose ». La question que nous voulons soulever [...] est celle-ci : « Que se
passerait-il si la politique ne tournait plus autour des humains mais des
états de choses controversées ? ».C'est en ces termes que Latour invite le
visiteur à entrer dans l'atmosphère invisible et pourtant palpable (quasi
synesthésique) de l'exposition :
« Dans cette exposition, vous êtes conviés à expérimenter la matière
politique en gardant l'esprit ouvert sur ce qu'est l'objet réel de la
politique. Comme vous le découvrirez tout au long de cette visite, la vie
publique n'est peut-être pas tant une question d'opinion et de position
qu'une certaine façon de se relier aux choses -aux choses rendues publiques.
Vous êtes invités à tracer votre chemin dans cette vaste installation
d'installations dont chacune a été conçue spécifiquement pour cette
manifestation. Il ne s'agit pas exactement d'une exposition d'art et pas non
plus bien sûr d'une manifestation politique. C'est plutôt une assemblée
d'assemblées.
Nous voudrions que vous vous posiez la question : « Sommes-nous bien
représentés ? » mais en pesant simultanément trois des sens du mot
représentation : en science, en art et en politique.
L'exposition est partagée en quatre zones dont chacune correspond à une
question que vous êtes invités à explorer à votre guise :
-D'autres civilisations et d'autres périodes de l'histoire ont imaginé
beaucoup de façons différentes de composer le corps politique. Que
pouvons-nous apprendre d'elles ?
-Il y a bien d'autres formes de parlements que celles de l'espace politique
proprement dit : les laboratoires, les églises, les systèmes techniques, les
supermarchés, les tribunaux, les écosystèmes. Quelles sont les assemblées
légitimes qui correspondent à ces assemblages officieux ?
- Les parlements officiels ne forment qu'un type d'assemblées parmi
d'autres. Est-il possible de comparer leurs techniques de représentation à
toutes les autres assemblées réunies dans cette manifestation ?
-Beaucoup de gens ont perdu l'espoir d'être bien représentés par les
instances politiques. Après ce parcours dans les diverses techniques de
représentation disponibles aujourd'hui quelles nouvelles options s'ouvrent à
nous ?
Attention : au cours de la visite, vous serez entourés constamment par
l'effet de vos actions sur tous les autres visiteurs passés et présents.
Grâce à une ¦uvre numérique très innovante -le Fantôme du Public-, vous
pourrez vous sentir influencés par le climat changeant et fragile des
questions politiques. Le Fantôme du public : c'est vous plus l'esprit,
l'atmosphère, de tous les autres.
Bonne visite dans cette Chose publique ».
Bruno Latour, Introduction in Making Things Public - Atmospheres of
Democracy, Bruno Latour and Peter Weibel édit.,
MIT Press & ZKM Karlsruhe, 2005.

Sites internet :
http://makingthingspublic.zkm.de
http://www.bruno-latour.fr/expositions/002_parliament-fr.html

Contacts :

Patricia Falguières
Nicolette Delanne
delanneehess.fr
Tél : 01 53 63 51 38
ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES,
Centre de sociologie du travail et des arts
105 Boulevard Raspail, 75006 Paris

Quellennachweis:
ANN: Journee d'Etudes "Expolitiques" (Paris, 17 Mar 07). In: ArtHist.net, 12.03.2007. Letzter Zugriff 27.12.2024. <https://arthist.net/archive/29122>.

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