LA MAISON DE L'ARTISTE
Construction d'un espace de représentations
entre réalité et imaginaire
(XVIIe-XXe siècles)
Colloque international
Université de Poitiers, 8-10 novembre 2005
Laboratoire GERHICO (Groupe d'études et de recherches
historiques du Centre-Ouest atlantique, EA n° 2625)
Équipe " Modèles et transferts artistiques "
APPEL À COMMUNICATIONS
La maison de l'artiste, en tant que lieu de résidence, de rencontres et de
création, a rarement été évoquée par la recherche contemporaine, la notion
même de maison d'artiste étant soumise à la relativité du temps et de
l'espace. Selon une approche diachronique (du XVIIe au XXe siècle) et
pluridisciplinaire impliquant une conception large de l'artiste, créateur ou
exécutant (architecte, peintre, musicien, sculpteur, dessinateur, graveur), ce
colloque aura pour objet l'étude dans le contexte européen de la valeur
identitaire de la maison d'artiste, communautaire dans ses extensions, mais
aussi au cœur de la création, support d'imaginaire et enjeu des relations
particulières de l'architecte et de son commanditaire.
La demeure d'écrivain, dont l'importance en tant que modèle est bien connue,
ne sera abordée qu'à titre comparatif.
La réflexion s'ordonnera selon trois axes de recherche :
I. Lieu architectural
Au cœur de la sphère privée, la maison d'artiste s'ouvre à la sphère publique
lorsqu'elle devient un lieu de création, d'échanges et de culture.
La demeure de prestige qui accueille les artistes peut être, par le biais de
la commande officielle, le reflet de la politique culturelle d'un État. Dès
l'époque moderne, la création de logements et d'ateliers dans la galerie du
Louvre révèle de la part des autorités une prise de conscience des conditions
de vie particulières d'une catégorie sociale. Aux XIXe et XXe siècles surtout,
les cités et résidences d'artistes présupposent un véritable engagement des
mécènes (La Ruche) et des responsables politiques par l'intermédiaire de
contrats et subventions. Confrontés à la réhabilitation de bâtiments anciens,
ou travaillant ex nihilo, les architectes ont dû s'adapter aux normes de
l'urbanisme et aux contraintes de leur cahier des charges. L'idéal de vie
communautaire peut parfois s'effacer au profit de la fonction publique de
l'édifice. C'est ainsi que le théâtre et le conservatoire présentent des
spécificités architecturales liées à l'enseignement, à la diffusion et à la
représentation. Espaces clos, ils sont néanmoins des lieux d'accueil pour un
public en constante évolution. Le kiosque à musique, en revanche, représente
l'ouverture symbolique de la maison vers l'extérieur au sein du tissu social.
La fonction muséale peut aussi être une forme d'extension de la maison (Le
Corbusier : Villa La Roche, Cité de la Musique à Paris).
Dans le domaine privé, ce type d'habitat, de la chambre à la riche demeure, de
la résidence principale à la villégiature, pose la question de la véritable
identité sociale du commanditaire (marginalité, insertion, réussite).
L'architecte peut alors l'envisager sous un double rapport : comme modèle
d'une profession dans un souci d'élaborer des mises en œuvre spécifiques (loft
ou hangar pour l'époque contemporaine) et des aménagements singuliers, mais
aussi, dans un jeu d'allusions comme le paradigme d'un style architectural ou
du style de l'architecte. Objet de création, elle est aussi œuvre en elle-même
(hôtels " témoins " des architectes modernes : Le Vau, Boffrand, Ledoux, de
Wailly, Boullée).
Il s'agit dès lors de témoigner des relations de dépendance qu'entretiennent,
dans le vécu du quotidien et dans l'inconscient, l'artiste et sa maison,
l'architecte et son œuvre.
II. Foyer artistique
Lieu de vie, la maison de l'artiste facilite des rencontres multiples.
Lieu de travail et de négoce
L'atelier, l'agence d'architecture, la boutique (livres, gravures, tableaux,
instruments de musique), jouxtant ou non les pièces d'habitation, sont les
extensions naturelles de la maison. Plus ou moins ouverts sur l'extérieur, ils
peuvent être intégrés à des réseaux économiques variés et étendus (agence des
frères Perret). Sur le plan social, la représentation iconographique de
l'atelier a parfois une valeur signifiante (thème du pauvre peintre, de
l'artiste bohème ou officiel).
Lieu de sociabilité et d'échanges culturels
Les artistes en résidence contribuent volontiers au rayonnement culturel des
institutions en France ou à l'étranger (Académie royale de peinture et de
sculpture, Gobelins, Savonnerie, Académie de France à Rome, Villa Médicis,
Casa Vélasquez, Académie des Beaux-Arts de Londres, Villa Abd-el-Tif à Alger).
Lieu de passage et de rencontre entre l'artiste et le public, l'atelier se
métamorphose à l'époque moderne en salle d'exposition, en galerie (Rubens,
Reynolds, Greuze, David) voire en cabinet (Le Brun, Aved, Mariette, Girardon).
A partir du XIXe siècle, on y tient salon. Compositeurs et écrivains se
rendent volontiers chez leurs amis peintres (Debussy, Satie, Roussel, Fauré,
Hahn). L'atelier est à l'occasion théâtre de spectacles. Plus généralement, à
l'instar de la demeure d'écrivain hébergeant des cénacles littéraires, la
maison de l'artiste constitue un pôle de ralliement pour la jeunesse
d'avant-garde (groupe de Puteaux), un refuge où les artistes partageant les
mêmes convictions et les mêmes affinités aiment en toute convivialité se
retrouver et discuter (maison de Maurice Denis à Saint-Germain-en-Laye,
demeure de Francis Poulenc à Noizay).
III. Lieu fantasmé et projection de l'imaginaire
En tant que reflet et support de l'imaginaire, la maison d'artiste est
indispensable à la création. La vie quotidienne peut alors revêtir un aspect
théâtral. L'invitation " chez soi ", la fête, sont occasions de mise en scène
auxquelles les convives sont amenés à participer (souper à la grecque dans un
décor à la grecque chez Madame Vigée Lebrun). Au XIXe siècle, des écrivains
comme George Sand, Victor Hugo, les Goncourt ou Pierre Loti donnent le ton en
proposant éventuellement la théâtralisation des intérieurs de leurs demeures.
En outre, la vie de famille devient un sujet de composition musicale (Schumann
: Kinderszenen ; Bizet : Jeux d'enfants ; Fauré : Dolly ; Debussy : Children's
corner ; Ravel : L'enfant et les sortilèges), en écho aux tableaux de genre et
des intimités de Vuillard. Les compositeurs n'hésitent pas non plus à
s'inspirer de leur vie domestique pour des œuvres de grande envergure comme le
poème symphonique (Strauss : Ein Heldenleben, Symphonia domestica) ou l'opéra
(Strauss : Intermezzo ; Schönberg : Von Heute auf Morgen).
Microcosme de l'univers mental de l'artiste (Facteur Cheval), la maison
parachève éventuellement l'itinéraire d'une vie (maisons de Dali ou de Gorin).
Enfin, la maison peut être identifiée à la démarche de l'artiste contemporain
(Ben, Jean-Pierre Raynaud, Niki de Saint-Phalle). Lorsqu'il s'agit d'un lieu
privé livré à la curiosité du public, la maison pose des problèmes spécifiques
dans le domaine de la muséographie auxquels la volonté de l'artiste, le désir
de postérité et l'évolution du goût ne sont pas étrangers (atelier de
Brancusi).
L'enjeu de ce colloque sera donc d'évaluer la pertinence de l'existence du
concept de la maison de l'artiste et d'effectuer le lien entre la sphère des
relations sociales et le domaine de la création pure. À cet égard les sources
les plus diverses seront analysées, de l'inventaire après décès aux traités,
mémoires, correspondances, peintures, photographies, jusqu'à l'œuvre
elle-même, la maison, l'atelier et, au-delà, la demeure musée.
*
Comité scientifique :
Luce Barlangue (université Toulouse II), Myriam Chimènes (CNRS), Patrick
Michel (université Bordeaux III), Jean Mongrédien (université Paris IV),
Nabila Oulebsir (université de Poitiers), Christine Peltre (université
Strasbourg II), Anne Piéjus (CNRS), Marie-Luce Pujalte (université de
Poitiers), Alain Quella-Villéger (écrivain, Poitiers), Daniel Rabreau
(université Paris I), Marie-Reine Renon (université de Poitiers), Herbert
Schneider (université de Sarrebruck), Jean-Roger Soubiran (université de
Poitiers), Patrice Veit (CNRS).
Comité d'organisation :
Véronique Meyer, Solange Vernois (Département d'Histoire de l'Art)
Cécile Auzolle, Jean Gribenski (Département de Musicologie)
Université de Poitiers, UFR Sciences humaines et arts
8, rue René Descartes
86022 Poitiers Cedex
veronique.meyer@univ-poitiers.fr cecile.auzolle@univ-poitiers.fr
solange.vernois@univ-poitiers.fr jean.gribenski@univ-poitiers.fr
Tél. : 05 49 45 45 53 (Histoire de l'art), 05 49 45 42 84 (Musicologie)
Accompagnées d'un résumé d'une douzaine de lignes et d'une courte biographie,
les propositions de communication seront envoyées à l'un des membres du Comité
d'organisation avant le 31 octobre 2004.
Reference:
CFP: La maison de l'artiste (Poitiers, 8-10 Nov 2005). In: ArtHist.net, Oct 22, 2004 (accessed May 10, 2025), <https://arthist.net/archive/26727>.