ESPACE art actuel, no. 129 (Automne 2021): L’artiste muséologue
[English version below]
Ce numéro d’ESPACE art actuel s’intéresse à l’utilisation par les artistes en art contemporain des objets (musealia, sémiophores) issus des collections des musées d’art, de sciences et de société. Il examine la place tenue par les collections muséales dans l’œuvre d’art à une époque où les musées les réinvestissent en diversifiant leurs usages. Ce numéro poursuit sous un angle inédit les travaux du Groupe de recherche et réflexion CIÉCO : Collections et impératif évènementiel / The Convulsive Collections, dans le cadre desquels la perspective institutionnelle a été privilégiée. Il s’attache à un autre versant de cette réflexion, en se concentrant sur la perspective de l’artiste : comment et pourquoi travailler avec les collections ? Quels genres d’œuvres émergent d’un tel contexte de production ?
Figure ayant émergé avec l’art contemporain et ses nouvelles pratiques commissariales, l’artiste muséologue est en quelque sorte légataire d’une relation qui se tisse depuis la fin des années 1960 entre l’artiste et le musée. Les interventions artistiques dans les collections muséales – à ne pas confondre avec les œuvres en forme de musées ou les collections d’artistes – se sont multipliées à partir des années 1990, avec la deuxième phase de la critique institutionnelle et l’influence du nouvel institutionnalisme. Faisant preuve d’institutionnalisme expérimental, certains musées ont accueilli des artistes au sein de leurs collections dans un souci d’autoréflexivité, pour renouveler leur pratique institutionnelle ou problématiser leur rapport à la tradition, alors que d’autres ont plutôt cherché à s’aligner avec le nouveau régime médiatique qu’impose l’impératif évènementiel. Du point de vue des praticien.ne.s, il y a maintenant lieu de considérer l’approche transhistorique de l’exposition en tant que véritable modèle commissarial qui, dérivé de méthodologies propres aux collectionneurs, aux artistes et même aux cinéastes, propose la comparaison de spécimens scientifiques, d’artefacts et d’œuvres d’art de toutes époques et de toutes provenances, dans un souci d’établir d’abord des correspondances visuelles et conceptuelles.
L’artiste se tourne dès lors plus naturellement vers la collection, qui devient site d’une action posée ou d’un travail s’y déployant, sujet ou thème d’une œuvre, ou encore matière première d’un projet en forme d’exposition. Les travaux d’artistes incorporant les collections muséales sont innombrables ; évoquons seulement Looking at Pictures in a Room de David Hockney (1981), Mining the Museum de Fred Wilson (1994) et Grosse Fatigue de Camille Henrot (2013). L’artiste muséologue explore les collections en empruntant une approche qui lui est propre et qui intègre les préoccupations animant sa démarche artistique. C’est d’ailleurs généralement pour cette raison que les musées le ou la sollicitent. Les œuvres qui en résultent sont la plupart du temps le produit d’une collaboration étroite entre les deux parties. Certains musées ont même développé de longue date des programmes offrant la possibilité aux artistes de travailler à partir de leurs collections, comme l’a fait la National Gallery de Londres dès 1977. D’autres résultats sont le fruit d’initiatives d’artistes entreprenant des démarches auprès d’institutions afin de mener recherches et explorations en prenant pour appui des collections, comme l’ont fait Raphaëlle de Groot dans Le poids des objets (2009-2016), ou le collectif Leisure, dans Hair Follies / La Perruque (2009).
Au moment d’écrire cet appel, l’avenir des formes prises par les pratiques artistiques et muséales reste incertain. Les enjeux écologiques, de genre et décoloniaux, couplés aux exigences de la pandémie, mènent à reconsidérer ces formes à la lumière d’une économie de la proximité et d’un usage accru du numérique. Dans un contexte où les espaces physiques des musées sont momentanément désertés et les institutions appelées à se redéfinir, quelle(s) place(s) occupe l’artiste ? Et, quel rôle tient la collection dans l’œuvre ? Pourquoi même l’inclure dans une démarche artistique ? Quel peut être l’apport de cet emprunt ? L’aspect extra-artistique de certaines collections, comme celles d’histoire naturelle ou d’ethnologie, exerce-t-il un attrait particulier ? Les arts médiatiques, numériques et performatifs constituent-ils des champs de pratique privilégiés par les artistes pour mener leur exploration ? À l’ère des crises environnementale, identitaire et sanitaire qui nous mobilisent, pourquoi les artistes se tournent-ils.elles vers ces ressources pérennisées et de proximité ? Ces collections pourraient-elles alors tenir un rôle inédit dans le processus de création ?
Si vous souhaitez participer à ce dossier, nous vous invitons, dans un premier temps, à contacter avant le 1er décembre 2020 la direction de la revue par courriel (alpareespaceartactuel.com) afin de présenter sommairement votre proposition. Très rapidement, nous vous informerons (d’ici le 18 décembre 2020) si votre proposition est retenue. Votre texte, version complète, ne devra pas dépasser les 2000 mots, notes incluses, et nous sera remis pour le 25 avril 2021. Le cachet est de 65 $ par feuillet de 250 mots.
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ESPACE art actuel, n°129 (Fall 2021): The artist-museologist
This issue of d’ESPACE art actuel explores contemporary artists' use of objects (musealia, semiophores) stemming from arts, sciences or social history museums. It examines the role that collections play in the artwork at a period in which museums are revisiting them by diversifying their uses. This issue adopts another viewpoint to pursue the work of the Groupe de recherche et réflexion CIÉCO : Collections et impératif évènementiel / The Convulsive Collections, which has favoured an institutional perspective. It approaches this subject from a different angle by focusing on the artist's perspective: how and why work with collections? What kind of works emerge from such a production context?
A figure that emerged in the contemporary art context and its new curatorial practices, the artist-museologist is in a sense the inheritor of a relationship that has been forged since the end of the 1960s between the artist and the museum. Artistic interventions in museum collections—not to be confused with works that are presented in the form of a museum or as part of artists' collections—have multiplied as of the 1990s, in the wake of the second phase of institutional critique and the influence of new institutionalism. Putting experimental institutionalism into action, certain museums have welcomed artists within their collections with a view to foster self-reflection, renew their institutional practice or rethink their relation to tradition, while others sought to align themselves with the new media system that the event imperative calls for. From the practitioners' point of view, it is now necessary to consider the transhistorical exhibitionary approach as a true curatorial model that, being derived from methodologies specific to collectors, artists and even filmmakers, proposes the comparison of scientific specimens, artefacts and artworks from all periods and all origins, with the primary purpose of establishing visual and conceptual correspondences.
The artist consequently turns more naturally towards the collection, which becomes a site for a an action or a work that unfolds there, the subject or theme of a work, or the raw material of a project that takes on the form of an exhibition. The works of artists that incorporate museum collections are innumerable; let us mention just a few: Looking at Pictures in a Room by David Hockney (1981), Mining the Museum by Fred Wilson (1994) and Grosse Fatigue by Camille Henrot (2013). The artist-museologist explores collections by taking an approach that is his or her own and that incorporates the concerns that drive his or her practice. Moreover, it is generally for this reason that the museum requests his or her involvement. The resulting woks are for the most part the product of a collaboration between two parties. Some museums have even developed longstanding programs that offer artists the possibility of working with their collections, as the National Gallery of London did from 1977 onwards. Other results stem from enterprising artists' endeavours to work with institutions in order to carry out research and explorations on the basis of the collections, as Raphaëlle de Groot did with Le poids des objets (2009-2016), or the collective Leisure, with Hair Follies / La Perruque (2009).
At the time of writing this call, it is hard to determine what shape these museum-based artistic practices will take. Ecological, gender and decolonial issues, in addition to the challenges linked to the pandemic have led to a reassessment of these forms as we are called to curb proximity in favour of digitally mediated contact. In a context in which the physical spaces of museums are momentarily deserted and institutions have to redefine themselves, what place(s) can the artist occupy? Moreover, what role does the collection play in the work? Why even include it in an artistic practice? Do media, digital and performance arts offer preferable fields of practice for artists to carry out their explorations? In an era of environmental, identity politics and public health crises which are mobilizing us, why are artists turning to these enshrined and physically nearby resources? Could these collections then play an unprecedented role in the creation process?
If you wish to submit an article, we invite you, as a first step, to email the editor of the magazine (alpareespaceartactuel.com) before December 1st, 2020, in order to make a brief proposal pitch. We will inform you promptly (by December 18, 2020) if your proposal is selected. Your completed text should not exceed 2000 words, footnotes included, and will be submitted to us by April 25, 2021. The honorarium is $65 per page (250 words).
Quellennachweis:
CFP: Espace art actuel, no. 129: The artist-museologist. In: ArtHist.net, 15.10.2020. Letzter Zugriff 23.11.2024. <https://arthist.net/archive/23730>.