CFP Nov 11, 2019

La norme et son contraire (Rennes, 14 Feb 20)

Rennes (France), Feb 14, 2020
Deadline: Dec 15, 2019

Carmen Popescu, Paris

Doctoral Study Day "On Norms/ Against Norms // Journée d'études doctorales "La norme et son contraire"

« Voilà qui est fondamental en notre nature :
ordonner ;
ordonnancer.
Ordonner, ranger, disposer, mettre en ordre.
"Dieu a tout ordonné dans l’Univers". Le Dictionnaire nous renseigne en ces termes majestueux.
Ordonnancer, acte émanant d’une autorité suprême.
De notre autorité vient le normal.
De notre laisser-aller surgit l’anormal, l’anormal envahissant, destructeur … »

Ce fragment de l’ouvrage de Le Corbusier, Une Maison – Un Palais (1928) reflète l’idée que certains architectes se sont fait au fil des siècles de l’objet de leur travail et, surtout, de leur rôle dans la société.
Le Corbusier avait songé ajouter un sous-titre à cet ouvrage – De la naissance fatale de l’architecture. En effet, depuis Vitruve jusqu’à Durand, en passant par Serlio qui clarifie leur compréhension, les traités architecturaux décrivent la discipline en termes d’ordonnancement. Non seulement les ordres sont-ils présentés comme des éléments clé, mais toute une série de règles et de concepts normatifs scandent la pensée architecturale et les gestes de sa mise en chantier (voir Werner Szambien, Symétrie, goût, caractère : théorie et terminologie de l’architecture à l’âge classique, 1984 ; Joseph Rykwert, The Dancing Column. On Order in Architecture, 1996). Cet ordonnancement s’accompagne d’une rationalisation de ses éléments, traduisant l’architecture en termes de normativité. Par ailleurs, cet encadrement de la discipline n’est pas sans évoquer des liens avec le domaine juridique, l’étymologie même du mot ordre renforçant le rapprochement. De surcroît, ainsi que le remarque Carl Schmitt (Das Nomos der Erde, 1974), organisation spatiale et organisation juridique s’appuient l’une sur l’autre pour définir le nomos, autrement dit l’ordre inhérent de l’humanité.
Avec l’avènement de la modernité, à l’ère des révolutions – industrielles et politiques –, cette dimension normative se confond avec la dynamique même de la société, étant associée aux principes opérateurs du capitalisme naissant (Jürgen Habermas, Le discours philosophique de la modernité, 1985). Le temps et l’espace – des concepts que la philosophie avait depuis peu désignés comme notions objectives – sont rationnalisés et normés à leur tour, participant à un ordonnancement méthodique et taxonomique du monde. S’il en résulte des formidables outils de connaissance, le caractère normatif de ces outils sert en même temps à un contrôle sans précédent.
L’architecture participe également à cet ordonnancement, dont le caractère normatif anime tout le champ qui l’entoure, de la théorie à la pratique en passant par l’écriture de son histoire. Les nouvelles solutions architecturales, notamment celles issues de la pensée moderniste, s’attèlent sans conteste à rendre le monde plus accueillant pour le plus grand nombre, mais leurs efforts normalisateurs sont critiqués dès l’entre-deux-guerres, et ces architectures dénoncées comme des machines sans âme enfermant les habitants dans des structures semblables à des prisons. La crise de l’architecture moderniste n’est que le pic visible d’un bouleversement plus profond, secouant les fondations du concept même de modernité, et s’insurgeant contre sa normativité toute-puissante. Des nouveaux positionnements architecturaux – post-modernisme, déconstructivisme, organicisme, etc. – misent sur l’« ambiguïté » de la discipline et ses « contradictions » (voir Robert Venturi, De l’ambiguïté en architecture, 1966), opérant des transgressions des règles en place. A ces réactions issues de l’intérieur de la discipline dans les dernières décennies, s’ajoutent depuis peu d’autres formes de transgressions qui interrogent le champ institutionnel de l’architecture. Celles-ci sont nourries par les leçons du monde du vernaculaire et de l’informalité du précaire, servant depuis toujours de tactiques de survie.

La journée d’étude propose d’examiner les normes en place dans la pensée architecturale à travers leur mise en cause. Elle invite à réfléchir autrement sur la normativité, en se penchant plutôt sur ses dérives, sur sa déconstruction, ainsi que sur la mécanique qui la porte et ses diverses manifestations.
Les propositions s’intéresseront à des aspects théoriques, pratiques ou historiographiques, pouvant traiter à la fois du monde (règlementé) des architectes ou des pratiques non-normés que développe tout habitant s’emparant d’un espace de vie. En parallèle à une lecture renouvelée des démarches normatives, sont encouragés fortement les sujets analysant le bâti ordinaire, l’informel ou le non-accès à l’espace des précaires en tout genre (sans-abris, migrants, réfugiés) et l’intérêt qu’ils suscitent parmi les architectes.
Plusieurs pistes sont à examiner, intégrant, sans se limiter, les questions suivantes :

• Quelles sont les différentes incarnations de la norme à l’ère de la modernité et quelles conséquences en découlent ?
• En dehors de la critique formulée par le postmodernisme, et avant celle-ci, peut-on parler de positionnements dissidents à une pensée normative ? Proposent-ils véritablement une transgression des normes ou juste une remise en place ?
• Quels sont les points de convergence entre le monde professionnel et les pratiques informelles ?
• Peut-on parler d’une historiographie transgressive ? Quels seraient ses discours et surtout de quelle manière elle les articulerait ?

La journée d’étude s’adresse aux doctorants des universités et des écoles d’architecture, invités à envoyer leurs propositions (de maximum 300 mots), accompagnées d’une courte notice biographique (300 mots). Les propositions doivent présenter des sujets qui n’ont pas encore été traités, se fondant sur une approche critique.

Les doctorants intéressés sont priés d’envoyer ces documents à : Carmen Popescu (carmen.popescurennes.archi.fr)// Anne-Marie Châtelet (chatelet.schmidwanadoo.fr)// Hélène Jannière (helene.janniereuniv-rennes2.fr)// Jean-Baptiste Minnaert (jean-baptiste.minnaertsorbonne-universite.fr).
Date limite d’envoi : 15 décembre 2019
Date de notification de l’acceptation : 22 décembre 2019

Les organisateurs sont au regret de faire savoir aux intervenants que leurs frais de déplacement devront être prioritairement pris en charge par leur laboratoire ou université de rattachement.

Organisatrice de la journée d’étude : Carmen Popescu (ENSA Bretagne)

Cette journée d’étude s’inscrit dans le cadre du séminaire doctoral proposé par Anne-Marie Châtelet (ENSA Strasbourg)/ Hélène Jannière (Université Rennes 2)/ Jean-Baptiste Minnaert (Sorbonne Université).

Reference:
CFP: La norme et son contraire (Rennes, 14 Feb 20). In: ArtHist.net, Nov 11, 2019 (accessed Mar 28, 2024), <https://arthist.net/archive/22054>.

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