CFP 21.10.2025

Revue Communications: Anecdotes. Théorie et usages des petits récits

Revue Communications
Eingabeschluss : 31.12.2025
www.revue-communications.fr

Déborah Laks

[English version below]

Revue Communications (2027): «Anecdotes. Théorie et usages des petits récits».

Mots-clés :
anecdote; anecdotique; récit; biographie; historiographie; commérage; sociabilité; minorisation.

Argumentaire: L’attention est souvent captée par des pas de côté: dans le continuum d’un récit, la cohérence d’une démarche, d’un discours, l’anecdote – «récit bref d’un petit fait curieux» – fait événement, arrête le regard, surprend, et stimule la pensée. Toutefois, si elle permet de capter l’attention, parfois de fixer la mémoire, l’anecdote devient rarement le sujet de l’analyse: on s’intéresse à ce vers quoi elle fait signe. Á peine sortie des marges du discours, elle y retourne presque aussitôt.

En contexte scientifique, toutes disciplines confondues, l’usage des anecdotes reste peu étudié. Elles émaillent pourtant nos pratiques professionnelles et sociales, parfois nos textes, souvent nos cours. Présentes dans un très grand nombre des sources, données et supports qui nourrissent les sciences humaines et sociales, elles sont aussi au cœur de nos objets de recherches. En prêtant attention à la place qu’elles occupent dans nos pratiques, on peut distinguer deux régimes : un régime de l’anecdote et un régime de l’anecdotique. Le premier tend à resasser le connu, à renforcer les positions et les récits dominants. Il autorise et maintient l’ordre. Il fait circuler de petits faits vrais – ou pas – sur ce que l’on sait déjà. Le second produit de l’inédit – c’est d’ailleurs l’origine étymologique du terme anecdote –, qui tend à le rester : ce sont de petits faits pourtant vrais, mais jugés négligeables, sans pertinence, sans intérêt. En les laissant de côté, les disciplines et les communautés marquent leurs frontières.

Mais les épistémologies, les méthodes et les expressions de la recherche changent. Les anecdotes autorisées prennent un air éculé. L’anecdotique ne l’est plus tant que ça. La liberté de ton qui caractérise les anecdotes permet alors à des sujets méjugés d’apparaître, elle remodèle les disciplines et leurs objets d’étude. L’essor de la recherche sur des personnes, des groupes sociaux ou des questions minorisées, doit ainsi beaucoup à la considération portée à ces sources jugées peu fiables que sont le discours rapporté, le commérage, le gossip ou l’anecdote. Du point de vue de l’écriture et de la transmission, le recours à l’anecdote fonctionne presque comme le punctum de Barthes: elle convoque la sensibilité, la mémoire et l’intime, leur fait une place au sein du discours et de la pensée scientifique.

Ce numéro de Communications propose ainsi de voir dans l’anecdote et l’anecdotique des modalités à part entière du travail intellectuel et créatif, d’en établir l’histoire et d’en explorer les effets. Nous voulons mettre en lumière le rôle que ces «petits récits d’un fait curieux» jouent dans le renouveau des disciplines.
Ce projet de publication prolonge deux années d’un séminaire porté par Emmanuel Guy (Education Nationale/ treize) et Déborah Laks (CNRS), hébergé par les Beaux-Arts de Paris, et consacré à l’anecdote et ses usages en art et en histoire de l’art.

Pour cet appel, nous espérons spécifiquement des propositions relevant de l’histoire et de l’actualité de l’art non-occidental, mais aussi des sciences exactes ou d’autres sciences humaines: sciences politiques, histoire, philosophie, sociologie, histoire des sciences, sciences de l’éducation. Certaines historiographies disciplinaires nous semblent en effet avoir fait un usage particulier de l’anecdote: l’étude des migrations (du point de vue politique, historique, sociologique), la philosophie de l’art, l’histoire de la philosophie, la sociologie de la création.

Nous espérons ainsi pouvoir faire résonner une réflexion d’abord menée dans le champ de l’art et de son histoire, avec une réflexion plus large portant sur le potentiel épistémologique, heuristique et politique des choses que l’on raconte et que l’on transmet.

Calendrier:
Les propositions de contributions sur ce thème doivent être envoyées pour le 31 décembre 2025 sous la forme d'un résumé de 3000 signes environ (document Word), assorti d'une courte bibliographie. Elles doivent comporter le nom de l’auteur ou de l’autrice, son affiliation professionnelle et son courriel, et être adressées à revue-communicationsehess.fr avec la mention «Anecdotes» en objet du message.
Elles seront examinées en double aveugle et feront l’objet d’une réponse au plus tard le 15 janvier 2026.

Les articles proposés devront être des inédits et être rédigés en français de préférence, sinon en anglais. Les articles correspondant aux propositions acceptées (25 000 signes, espaces compris) devront être remis le 30 avril 2026 au plus tard, mis aux normes typographiques de la revue (https://www.revue-communications.fr/proposer-un-article/instructions-aux-auteurs/) et assortis d’un résumé de 5-6 lignes en français, anglais et espagnol, comprenant le titre traduit ainsi que de 5 mots-clés dans ces trois langues.

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Communications Journal (2027): "Anecdotes: Theory and Practice of Narrative".

Keywords:
anecdote; anecdotal; narrative; biography; historiography; gossip; sociability; minoritization.

Argument:
Our attention is often captured by tangents and digressions. Within either the flow of a narrative or the coherence of an argument, the anecdote – “the brief story of a curious event” – stands out, sparks the imagination, surprises us and sets off trains of thought. For all its ability to focus attention or even to fix itself in memory, however, the anecdote is rarely the subject of analysis; instead, researchers tend to seek to go beyond it, and focus on that towards which it gestures. No sooner does the anecdote emerge from the margins of discourse than it returns to its indistinct fringes.

Across academic disciplines, the use of anecdote has received little attention. This despite the fact that they punctuate our professional and social practices: they are the stuff of our writing, our teaching, and our conversations. Present in the many sources, data, and materials that sustain the humanities and social sciences, anecdotes are also often decisive in the choice of our research objects.

By examining the discreet yet fundamental role they play in our practices, we can distinguish two distinct modalities through which anecdotes convey meaning. The “regime of the anecdote” tends to repeat what is already known, reinforcing dominant positions and narratives: here the anecdote authorizes and upholds the established order, circulating small facts about familiar things, ones which are sometimes true, sometimes false. The “regime of the anecdotal”, by contrast, produces new, original, and hitherto unexplored material: facts which are minor and yet nonetheless true; facts which are dismissed as negligible, irrelevant, or unimportant. It is in this field, indeed, that the etymological source of the word anecdote can be found. By abjecting both the anecdote and the anecdotal, disciplines and communities reaffirm their boundaries, and define or redefine what counts as knowledge.

And yet: epistemologies, methods, and research practices are changing. The most authorized of anecdotes now often sound stale, while the anecdotal is no longer merely anecdotal. The freedom of tone that characterizes anecdotes allows overlooked or undervalued subjects to emerge, reshaping disciplines and their objects of study. The rise of research focused on marginalized people, social groups, and issues owes much to a renewed interest in sources once deemed unreliable – reported speech, hearsay, gossip, or indeed anecdote. From the standpoint of writing and transmission, the use of anecdote functions almost like Barthes’s punctum: it calls forth emotion, memory, and intimacy, granting them space within scholarly discourse and thought.

This issue of Communications thus proposes to view anecdote and the anecdotal as full-fledged modes of intellectual and creative work – to trace their history and to explore their effects. We aim to highlight the role that these “short tales of curious events” play in renewing disciplinary approaches and boundaries.
This publication project builds on a two-year-long seminar series devoted to anecdote and its uses in art and art history, convened by Emmanuel Guy (Éducation Nationale/treize) and Déborah Laks (CNRS), and hosted by the École des Beaux-Arts de Paris.

For this call for papers, we particularly welcome proposals relating to the history and contemporary practices of non-Western art, as well as to the exact sciences or other fields in the humanities and social sciences: political science, history, philosophy, sociology, history of science, and education. We are interested in disciplinary historiographies that seem to have made a distinctive use of anecdote, for example as studies of migration (from political, historical, or sociological perspectives), philosophy of art, history of philosophy, and the sociology of artistic creation.

In this way, this issue aims to bring reflections first developed in the field of art and art history into dialogue with a broader inquiry into the epistemological, heuristic, and political potential of the stories we tell and the knowledge we share.

Timeline:
Proposals on this theme must be submitted by December 31, 2025, in the form of a summary of approximately 3,000 characters (Word document), accompanied by a short bibliography. Submissions must include the author’s name, professional affiliation, and email address, and be sent to revue-communicationsehess.fr with “Anecdotes” as the subject line. Proposals will undergo double-blind review, and authors will be notified no later than January 15, 2026.

Articles must be unpublished and preferably written in French (otherwise in English). Accepted articles (25,000 characters, including spaces) must be submitted by April 30, 2026, formatted according to the journal’s typographic guidelines (https://www.revue-communications.fr/en/proposing-an-article/instructions-to-authors/), and accompanied by a 5-6 line abstract in French, English, and Spanish, including the translated title and five keywords in all three languages.

Quellennachweis:
CFP: Revue Communications: Anecdotes. Théorie et usages des petits récits. In: ArtHist.net, 21.10.2025. Letzter Zugriff 23.10.2025. <https://arthist.net/archive/50927>.

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