« Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » Pouvoirs et limites, les paradoxes du sensible dans l’appréhension chrétienne du divin entre les XVe et XVIIe siècles.
Sentir Dieu ; percevoir l’Éternel par les sens. Un paradoxe qui fut le lieu d’un intense investissement aussi bien intellectuel que matériel. Parce que Dieu se rendit un jour présent en se faisant chair avant de mourir sur la croix pour ensuite ressusciter et enfin se retirer du monde, l’humain n’aura de cesse de le chercher.
L’alternance entre expérience et témoignage, mise en doute et preuve, structure le paradoxe de l’économie chrétienne dont l’épisode de l’incrédulité de saint Thomas se fait exemplaire : « Parce que tu m’as vu tu crois, dit le Christ à Thomas. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn. 20, 29). Pourtant, le désir de sentir
la présence de ce « corps manquant » (De Certeau) est partout et devient presque constitutif de la pratique dévotionnelle chrétienne.
De la Dévotion moderne à « l’invasion mystique » (Bremond), le corps et l’expérience sensorielle se placent au coeur de la rencontre avec le divin. La performance de l’ensemble des dispositifs expérientiels conçoit que soit activée une présence potentielle qui peut se manifester via la conjonction de vecteurs matériels, sensoriels, cultuels et/ou virtuels. Elle a néanmoins, dès le début du christianisme, posé problème aux instances devant arbitrer la teneur et la légitimité de ces expériences vécues et décrites. Ces instances sont en effet confrontées à la difficulté de concilier d’un côté la promotion des signes sensibles de la présence divine sur Terre, et de l’autre la méfiance vis-à-vis de l’engagement du corps et des sens. Dans une approche aussi bien multimédiale qu’interdisciplinaire, l’objectif de ces journées est de réfléchir ensemble aux diverses solutions (philosophiques, matérielles, juridiques, théologiques, dévotionnelle etc…) mises en place par la chrétienté moderne pour résoudre un paradoxe millénaire : comment réconcilier la nature de la perception humaine, avant tout sensorielle, avec celle de l’objet qu’elle tente de percevoir et dont la nature divine est
justement infinie, inatteignable et insaisissable.
Organisé par Clara Lieutaghi (Cehta – EHESS) et Clara Zajdela
(Larhra – UGA)
Première journée – 14 juin 2023
9h30 – Accueil et introduction
Corps et âme : sentir Dieu dans la chair – Caroline Callard (École des Hautes Études en Sciences Sociales)
10h – Clara Zajdela (Université Grenoble-Alpes) : « Douter, toucher puis croire, saint Thomas l'incrédule et la preuve par la chair »
10h45 – Ralph Dekoninck (Université Catholique de Louvain) : « L'aesthesis de l’horreur sacrée. Somatologie et iconologie du corps sacrifié/sanctifié dans la peinture martyrologique au premier âge moderne »
Pause
11h45 – Alysée Le Druillenec (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne-Université catholique de Louvain) : « Porter, embrasser, étreindre : les signes de la familiarité christique au XVIIe siècle »
12h30 – Discussion / Déjeuner
En croire ses yeux – Anne Lepoittevin (Paris IV Sorbonne Université)
15h00 – Caroline Callard (École des Hautes Études en Sciences Sociales) : « Disparition des fantômes : le régime visuel de la spectralité au cours du premier âge moderne »
15h45 – Marta Caffiero (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) : « Voir avec les yeux du corps et de l’âme le Verbe devenu chair : la figure du berger dans les Adorations des bergers peintes et sculptées du royaume de Séville (XVIe et XVIIe siècles) »
Pause
16h45 – Ingrid Falque (Université Catholique de Louvain) : « Images et pratiques contemplatives dans les chartreuses des anciens Pays-Bas à la fin du Moyen Âge. Quelques exemples. »
17h15 – Discussion
Deuxième journée – 15 juin 2023
Écoute et parole : l’adresse du divin – Guillaume Cassegrain (Université
Grenoble-Alpes)
9h30 – Clara Lieutaghi (École des Hautes Études en Sciences Sociales) : « Invocation, salutation, punition : parler l'image et agir avec trois peintures provençales des XVIe et XVIIe siècles »
10h15 – Marta Battisti (Université Grenoble-Alpes) : « Philippe Neri et l’expérience sonore du divin »
Pause
L’ancrage du divin : le lieu et l’objet – Pierre-Antoine Fabre (École des Hautes Études en Sciences Sociales)
11h15 – Célia Zuber (Université de Genève) : « Descendre au puits, monter vers la Madone : Images et passages dans le parcours dévotionnel au monastère de San Gregorio al Celio »
12h00 – Cynthia Rodrigues (Université de Tours) : « Authentifier et exposer les reliques : analyse de l’exhumation et de la reconnaissance de trois saints à Saint-Ours de Loches dans les années 1650. »
12h30 – Discussion / Déjeuner
Usage des images et expérience du divin – Ralph Dekoninck (Université Catholique de Louvain)
15h – Pierre-Antoine Fabre (École des Hautes Études en Sciences Sociales) : « Le Récit d’Ignace de Loyola et la procession de ses visions : perspectives d’interprétation »
15h45 – Nicolas Balzamo (Université de Neuchatel) : « Faut-il consacrer les images ? Brève histoire d’une impasse théologique »
16h30 – Discussion
Colloque international, 14-15 juin 2023
Salle Benjamin – Institut National d’Histoire de l’Art
2 Rue Vivienne, 75002 Paris
Quellennachweis:
CONF: « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Paris, 14-15 Jun 23). In: ArtHist.net, 16.05.2023. Letzter Zugriff 30.12.2024. <https://arthist.net/archive/39299>.