CFP 18.11.2010

Les apories de l'art total (Paris, Jan 12)

Université Paris I – HiCSA et Institut National d’Histoire de l’Art
Eingabeschluss : 31.12.2010

Maria Stavrinaki, Paris I-Panthéon-Sorbonne

Les apories de l’art total : artiste, société, temporalités
Université Paris I – HiCSA et Institut National d’Histoire de l’Art
janvier 2012
Sous la direction de Julie Ramos et de Maria Stavrinaki

Le principe du colloque, « Les apories de l’art total : artiste, société, temporalités » organisé en janvier 2012 en collaboration par l’Université Paris I et l’INHA est de revenir sur les études menées sur ce sujet ces vingt dernières années, en associant des chercheurs en France et à l’étranger ayant déjà exploré ce thème, tout en espérant susciter de nouvelles recherches. Dans cette perspective, deux ou trois journées rassemblant les communications de 15 à 20 chercheurs confirmés, accueilleront aussi deux ateliers ouverts aux doctorants.

Date limite pour les propositions : le 31 décembre 2010.
Les propositions doivent être adressées à Julie Ramos (julie.ramosinha.fr) et à Maria Stavrinaki (maria.stavrinakiuniv-paris1.fr)

Présentation

La dichotomie qui caractérise la recherche en histoire de l’art dans son ensemble entre ceux qui privilégient le « capital » idéologique de l’art et ceux qui explorent son potentiel formel n’a pas laissé indemne l’art total. Bien sûr, les deux approches peuvent se retrouver dans la généalogie esthétique de la question – le romantisme et le symbolisme notamment - ou, parfois, son apanage philosophique. Aucune de deux ne néglige non plus cette pierre angulaire qu’a été le Gesamtkunstwerk wagnérien. Sans vouloir trouver le « juste milieu » entre ces deux approches, ce colloque a plutôt l’ambition de les mettre en tension, pour montrer leurs équivalences ou, au contraire, les insuffisances mutuelles. Poser la question des « temporalités » de l’art total répond, en quelque sorte, à cette ambition.

La conjonction des arts est loin de se limiter, bien sûr, à la modernité et traverse toutes les époques historiques et, probablement, les aires géographiques. Pour autant, la formulation du projet de sa « restauration » coïncide bel et bien avec l’acte de naissance de l’art total et survient, en tant que tel, à l’ère moderne : concevoir et réaliser un Art qui puisse réunir les arts ; un Art qui sache réunir les hommes. Le projet d’un art total serait donc, dès l’origine, fondé sur un manque, un défaut, une aporie. Issue des idéaux des Lumières, forgée dans le creuset du romantisme allemand, l’idée d’art total, revendiquée, refusée, occultée, voire refoulée, vit au cœur de l’inconscient esthétique de la modernité. Si Wagner lui donne son nom en 1849 (Gesamtkunstwerk), l’idée apparaît autour de 1800 et survit à la création de Bayreuth. L’union des arts et les collaboration artistiques ne suffisent toutefois pas à qualifier l’art total. L’idéologie qui le sous-tend, celle d’une unité esthétique de l’art, d’une unité ontologique et politique de l’homme et de la communauté, celle, enfin, d’une histoire dotée de sens, méritent d’être interrogées dans leurs tensions et leurs apories.
Notre colloque voudrait s’articuler autour de quelques moments clés de la modernité, du romantisme et du saint-simonisme à l’art contemporain, en passant par les avant-gardes.

Les quatre thèmes de réflexion ici distingués ne le sont que pour des raisons de commodité. L’art total est par définition pensé comme capable d’en opérer la réconciliation, voire la relève.

Esthétique
L’idée d’art total a souvent été restreinte au fait d’associer les arts, notamment sous la forme de collaborations entre plasticiens, musiciens, architectes, régisseurs, « designers », etc. Il est vrai que Wagner y insiste dans sa définition du Gesamtkunstwerk. Ce serait sous le signe du dépassement des frontières disciplinaires, notamment posées dans le Laocoon de Lessing en 1766, que se présenteraient les projets qui s’y rattachent. Ce décloisonnement entraînerait le dépassement des limites de la toile et du cadre muséal par la création d’environnements poly-sensoriels, tout en conduisant au renouvellement des langages plastiques, poussés à se transformer pour mieux s’unir. L’association des arts ne signifie toutefois pas leur égalité et un principe unificateur (scénique, musical, architectural, ornemental, perceptif, etc.) préside souvent aux projets d’art total. La réactualisation du paragone qu’elle induit s’est en outre conjuguée dans les travaux universitaires récents à l’écriture d’une histoire de l’abstraction que nous souhaiterions voir réinterrogée. Qu’en est-il de l’imitation, de sa pérennité et de ses déplacements, dans les projets d’art total ? L’opposition souvent agitée entre « art total » et « art pur » (ou « art pour l’art ») résiste-t-elle à l’examen des pratiques et des textes ? De quelle façon s’articule la recherche d’un « style total » ? Qu’en est-il du devenir de l’art total à l’heure de l’intermédialité et des recherches sur la « réalité augmentée » ?

Société et politique
L’art total a pu s’affirmer comme projet systématique dans un contexte de dissolution du christianisme et de sécularisation ; il a fonctionné aussi comme une préfiguration ou, tout au moins, comme une source d’une énergie mobilisatrice pour la construction d’une société future venant abolir le décentrement politique issu de la Révolution française. Si l’idée de l’œuvre d’art totale n’a pas cessé de se renouveler depuis les débuts de la modernité, c’est dans une large mesure parce qu’elle fut conçue pour répondre à ce double vide - religieux et politique. Prétendant se saisir de la totalité du sensible, cette œuvre pouvait par là même l’investir d’un divin maintenant dépourvu de tout anthropomorphisme et étant de la nature synthétique ; et ce fut par cette même communauté artistique qui la constituait que cette œuvre a pu préfigurer et, par là même, préparer l’intégration sociale à venir. Il s’agit d’interroger l’œuvre d’art totale comme un laboratoire de la communauté future, toujours organique, et souvent nationale, voire même raciale : « esthétisation de la politique », selon l’expression fameuse de W. Benjamin, « sculpture sociale », selon Beuys, etc. Le thème de communauté exemplaire des artistes, de cénacles, etc., a partie liée avec cette vocation de l’art total. Dans ce cadre, nous pensons interroger la question de structures de ces communautés, de leurs rites, la fonction du chef en leur sein, etc. Enfin, nous nous tournerons vers les liens entre « art total » et « art social », leur dénominateur commun étant le « peuple » et la volonté des artistes de l’éduquer et de l’émanciper.

Histoire et temporalité
Dès ses origines, l’art total a véhiculé des conceptions de l’histoire, qui relèvent le plus souvent de la philosophie de l’histoire. Il est lié à l’idée de la « fabrication » et de la « temporalisation » de l’histoire moderne (R. Koselleck), à l’idée selon laquelle cette dernière se réalise dans et par le temps, matière malléable entre les mains des hommes. Notre colloque voudrait s’arrêter sur le thème de l’art total comme vecteur de la fin – la fin de l’art et la fin histoire. Le messianisme des artistes qui ont conçu des projets d’art total peut s’inscrire dans ce cadre. Mais l’idée de la philosophie de l’histoire est intimement liée aussi à celle du « mythe », qui depuis les Romantiques jusqu’à Beuys, en passant par Wagner, a déterminé le projet de l’art total. De manière plus ambiguë et moins «clôturante », s’impose également l’idée de l’inachèvement qui a constitué le plus souvent le destin de l’art total. Ainsi, l’ironie peut-elle s’affirmer comme une modalité temporelle.

Artiste et spectateur
Cet ensemble de redéfinitions induit une nouvelle conception de l’artiste et du spectateur de l’art total. Le premier semble s’ériger en voyant et en prophète de la communauté, si ce n’est en chamane. Le second semble voué à la passivité, sous le signe de l’hypnose, de l’impression ou de l’imitation. Ces positions, dont nous souhaiterions examiner la part de réel et de fantasme, accueillent l’héritage du génie artistique, se nourrissent des travaux de psycho-physiologie et des propos sur le caractère féminin et enfantin des foules dans la modernité. Ainsi, non seulement le « spectateur » de l’art total est pensé comme l’expression d’un collectif au cœur de l’individu, mais s’instaure une tension entre un art qui se veut élitaire et une réception populaire, ou encore entre avant-garde et kitsch. L’examen de ces caractéristiques devrait permettre de mieux distinguer les projets d’art total, et d’envisager les processus d’évolution, d’abandon et d’échec qui s’y manifestent.

Quellennachweis:
CFP: Les apories de l'art total (Paris, Jan 12). In: ArtHist.net, 18.11.2010. Letzter Zugriff 24.04.2024. <https://arthist.net/archive/513>.

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