// english version below //

D’APRÈS NATURE.
Images du corps, voyages, science et empires (XVIIIe-XXe siècle)

Au moment où l’anthropologie s’institutionnalise en tant que discipline, la plupart des anthropologues étudie les populations extra-occidentales depuis les métropoles, sur la base de corpus visuels et matériels collectés in situ par des voyageurs. Avant l’événement de la photographie et du cinéma, cette pratique se fonde d’abord sur les dessins et ses avatars (aquarelles, peintures) ainsi que sur les moulages des corps réalisés d’après nature.
Ce workshop se propose d’engager une réflexion sur ces représentations corporelles réalisées par des voyageurs, terme commun qui regroupe des aventuriers, ethnographes, anthropologues, géographes, marchands, militaires, missionnaires, ou encore naturalistes. Tous partagent, au-delà de leurs compétences spécifiques, une pratique d’observation fondée sur la notion éminemment artistique ‘d’après nature’. Si l’ouvrage de référence Objectivité de Lorraine Daston et Peter Galison étudie cette notion dans le domaine de la botanique, ce workshop voudrait se focaliser sur les images des corps réunies dans les carnets de voyage et les moulages faciaux réalisés in vivo, et interroger ces représentations à la lumière des notions d’œil innocent, d’œil témoin, d’œil naturaliste ou encore d’œil de la science. Il s’agit notamment d’analyser les enjeux idéologiques de ces différents regards et d’étudier leur relation à l’expérience du terrain qui prétend documenter un processus de connaissance authentique car au plus près de la réalité. Il questionne en outre la diffusion et la circulation des dessins et des moulages corporels autant dans l’imaginaire collectif (littérature de voyage, presse illustrée), que dans les ouvrages d’anthropologie, les musées et les expositions où ils sont érigés en preuves scientifiques. Ces représentations servent en outre à étayer des théories de classification des populations, et le terme ‘d’après nature’ est invoqué par les anthropologues dans les textes scientifiques comme un gage d’authenticité afin de légitimer l’objectivité de leurs thèses. L’étude de ces corpus visuels et matériels, constitue, enfin, une perspective inédite pour problématiser la notion d’empire informel et comprendre les liens entre images, science et empire dans des contextes qui ne relèvent pas exclusivement de l’ordre du colonial.

Nous espérons que le workshop constituera une occasion pour les historiens de l’art, les historiens de l’anthropologie, les historiens des sciences et les historiens de rencontrer des chercheurs ayant des approches méthodologiques différentes. En particulier, nous attendons des contributions s’inscrivant dans les trois axes suivants :

Production
- Questionner la relation entre voyager, voir et représenter. De quelle manière les représentations de corps participent-elles au processus de colonisation ? Qu’est-il donné à voir ? Qu’est-il donné à croire ? Analyse des corpus visuels réalisés par les voyageurs au vu des notions d’empire informel et d’empire formel.

Epistémologie
- Réflexion sur le statut épistémologique des représentations et des moulages des corps comme outils de terrain. Quelle place est réservée à ces images dans les Instructions de voyages rédigées par les différentes institutions et sociétés savantes depuis le XVIIIe siècle ? Quels sont les dispositifs qui permettent qu’une image devienne une ‘preuve’ scientifique ?

Diffusion, circulation et réception
- Étude de la diffusion, de la circulation et de la réception des représentations des corps en Occident et dans les pays explorés dans différents domaines et à travers différents supports.
- Diffusion dans les ouvrages scientifiques et dans la littérature de voyage et des journaux illustrés formant un imaginaire collectif ; circulation des moulages anthropologiques dans les musées d’anthropologie ainsi que dans les expositions coloniales.
- L’intermédialité de différentes pratiques de collecte (dessins, peinture, moulages). L’attention sera portée sur les techniques de reproduction des dessins tels que les lithographies, les bois gravés ou la gravure. De quelle manière les dessins des carnets de voyages sont retravaillés, filtrés et transformés en vue de la publication ?

Modalités de candidature et organisation
Pour soumettre une proposition, merci d’envoyer un résumé de la communication envisagée (500 mots) ainsi qu’un courte biographie (150 mots)
à lucia.piccionieui.eu

La date limite pour l’envoi est le 7 juillet 2022 et les réponses seront donnée le 12 juillet 2022.
Les échanges auront lieu en français et en anglais.
Les frais de déplacement et/ou d’hébergement seront pris en charge.
Dates du workshop : 7 et 8 septembre 2022 à l’Institut National d’Histoire de l’Art
Événement uniquement sur site

MOTS-CLÉ
- Études visuelle, Histoire de l'art, culture matérielle, empires, colonialisme, anthropologie

--- english version ---

AFTER NATURE
Images of Body, Travel, Science and Empires (XVIIIth-XXth Centuries)

At the time when anthropology was becoming institutionalised as a discipline, most anthropologists studied extra-Western populations from the metropolises, on the basis of visual and material corpus collected in situ. Before the advent of photography and cinema, this practice was first based on drawings and its variations (watercolors, paintings) as well as plaster casts made from nature.
This workshop proposes to reflect body representations made by travelers, a common term that includes adventurers, ethnographers, anthropologists, geographers, merchants, soldiers, missionaries and naturalists. All of them share, beyond their specific skills, a practice of observation based on the eminently artistic notion of ‘after nature’. While Lorraine Daston and Peter Galison’s reference book Objectivity studies this notion in the field of botany, we would like to focus on the images of bodies gathered in travel diaries and facial casts made in vivo, and to question these representations in the light of the notions of the innocent eye, the witnessing eye, the naturalist eye or the scientific eye. The aim is to analyse the ideological stakes of these different point of views and to study their relationship to field experience, which claims to document a process of authentic knowledge, as close as possible to reality. It also questions the diffusion and circulation of drawings and body casts in the collective imagination (travel literature, illustrated press), as well as in anthropological works, museums and exhibitions where they are set up as scientific evidences. These representations also support theories of population classification, and the term 'from nature' is invoked by anthropologists in scientific texts as a guarantee of authenticity in order to legitimize the objectivity of their thesis. The study of these visual and material corpus, finally, constitutes a new perspective to problematise the notion of informal empire and to understand the links between images, science and empire in contexts that are not exclusively colonial.

We hope that the workshop will provide an opportunity for art historians, anthropological historians, historians of science and historians to meet researchers with different methodological approaches. We especially expect contributions in the three following areas:

Production
- To question the relationship between travelling, seeing and representing. In what way do representations of bodies participate in the process of colonisation? What is given to see? What is given to believe? Analysis of the visual corpus produced by travellers in the light of the notions of informal and formal empire.

Epistemology
- Reflection on the epistemological status of representations and casts of bodies as field tools. What place is reserved for these images in the Travel Instructions written by the various institutions and learned societies since the 18th century? How does an image become a scientific 'proof'?

Diffusion, circulation and reception
- Study of the diffusion, circulation and reception of representations of the body in the West and in the countries explored in different fields and through different media.
- Diffusion in scientific works and in travel literature and illustrated newspapers forming a collective imaginary; circulation of anthropological casts in anthropology museums and in colonial exhibitions.
- The intermediality of different collecting practices (drawings, paintings, casts). Attention will be paid to the techniques of reproduction of drawings such as lithographs, woodcuts or engraving. How are drawings from travelogues reworked, filtered and transformed for publication?

Application procedures and organization
To submit a proposal, please send a proposal (500 words) and a biographical note (150 words)
at lucia.piccionieui.eu
The submission deadline is July 6th, 2022, and responses will be given on July 12, 2022.
Exchanges will be held in French and English.
Travel and/or accommodation expenses will be covered.
Conference dates: 7 and 8 September 2022 at the Institut National d’Histoire de l'Art
Event only on site

KEYWORDS
- Visual studies, Art History, Material culture, Empires, Colonialism, Anthropology