TOC 26.09.2006

Studiolo no.4 2006, Le portrait entre Italie et Europe

Villa Medici

Revue d'histoire de l'art
Académie de France à Rome

Studiolo n°4
Dossier : Le portrait entre Italie et Europe

SOMMAIRE

PREFACE, Richard Peduzzi (p. 5)
Marc Bayard : Le défi d’une revue (p. 6)

ÉDITORIAL, Antonio Pinelli (p. 7)

DOSSIER : Le portrait entre Italie et Europe

MAURICE BROCK (p. 11-16)
Le portrait en tension perpétuelle
Dans les problématiques de l’interaction entre théâtre et arts visuels qui
se met en place à la Renaissance, l’auteur souligne que la logique propre
à chaque protocole ne doit pas empêcher le développement d’études
théoriques, à partir de la dimension transitive et réflexive de ces arts
de représentation.

PATRICIA RUBIN (p. 17-38)
“Contemplating fragments of ancient marbles”: sitters and statues in
sixteenth-century portraiture
La contemplation de morceaux d’oeuvres antiques, tels qu’ils apparaissent
dans des portraits de la Renaissance, révèle quelques-unes des
singularités de la culture de la Renaissance. Bien que les portraits
comportant des statues brisées ne constituent pas une catégorie à part
entière de portraits de la Renaissance, ils relèvent toutefois de
comportements communs. D'un côté, les fragments d’oeuvres antiques
présentés aux côtés de personnages de l’époque moderne constituent des
témoignages historiques de la redécouverte de la sculpture antique.
Au-delà de leur rôle d'attributs, ils incarnent une forme de riposte de la
part des peintres aux débats sur la valeur respective des différents arts.
On s'attachera ici à démontrer que, à un autre niveau, l’état fragmenté
des statues entrave toute tentative d’interprétation facile. À travers une
analyse de deux oeuvres célèbres dans lesquelles les personnes qui posent
sont représentées auprès de sculptures antiques - les portraits de Andrea
Odoni de Lorenzo Lotto et de Jacopo Strada de Titien - cet article se
penche sur le rapport sujets/statues et ce qu’il révèle des systèmes de
signification et du statut de l’art à la Renaissance.

DIANE BODART (p. 39-60)
L’excellence du portrait par Gian Lorenzo Bernini, ou la ressemblance à
l’épreuve de l’idea
À une époque où le portrait était majoritairement déprécié par les
théories artistiques comme une forme de représentation trop dépendante des
imperfections de la nature et donc dépourvue d’idea, Bernin fut l’un des
plus fervents défenseurs de la noblesse de cet art, tant par son activité
très admirée de portraitiste que par sa réflexion sur le sujet. En
inscrivant ses propos dans le cadre du paragone entre la peinture et la
sculpture, il mettait en valeur l’excellence de son talent qui lui
permettait de parvenir, en dépit de la monochromie du marbre, à des effets
de ressemblance et de vie comparables à ceux obtenus par le coloris. Mais
encore, en s’appuyant sur le discours élaboré dans les traités du XVIe
siècle, il apportait une réponse précise à la question de l’intégration du
portrait au sein de la théorie générale des arts. Il démontra qu’il était
concrètement possible de respecter à la fois la ressemblance et la beauté,
en conciliant la représentation de la physionomie et l’expression des
qualités intérieures, rendues par l’air du visage et le mouvement du
buste, jusqu’à restituer l’idea du personnage.

CLAIRE MAZEL (p. 61-76)
Transformations et pouvoirs de l’effigie pendant la Contre-Réforme : le
portrait funéraire au XVIIe siècle (Rome, Paris)
Les années 1620-1640 à Rome, et 1650 à Paris, sont le théâtre d’un profond
changement dans le portrait sculpté avec la tentative d’une représentation
« così al vivo ». Le contexte funéraire de nombre de ces portraits permet
de penser l’évolution artistique en relation avec le changement profond de
la pastorale sur la mort et le salut pendant la Contre-Réforme. Là où
autrefois le portrait figurait le défunt dans le temps immobile de
l’attente, il retient maintenant l’image vive de sa dévotion. Là où
autrefois il sollicitait les prières des vivants, il met maintenant en
scène la dévotion parfaite du défunt et propose aux fidèles de l’imiter.
Cette évolution artistique contribue donc aussi à une augmentation du
pouvoir des images, à un changement problématique de leur statut.

PHILIPPE BORDES (p. 77-96)
L’essor d’un genre continental : portraits de famille dans les cours
européennes, 1665-1780
Le portrait de famille s’impose avec réticence à la cour de Louis XIV,
tandis qu’en Espagne son petit-fils Philippe V et son épouse Élisabeth
Farnese donnent une impulsion forte à ce nouveau genre, par une suite de
commandes qui traduisent les ambitions politiques de cette dernière pour
ses enfants. Ces oeuvres, ainsi qu’un portrait peint à Parme pour un de
ses fils et un autre à la cour de Turin, forgent un imaginaire intime et
affectueux, dans le cadre des conventions. De même que le rôle d’Élisabeth
Farnese est important pour expliquer l’essor du genre dans les années 1730
et 1740, celui de Marie-Thérèse d’Autriche paraît ensuite déterminant. Des
portraits peints dans les cours de Munich et de Dresde révèlent la
tonalité singulière des réalisations Habsbourg. L’histoire de cette
production picturale, portée par les alliances diplomatiques sur le
continent, paraît relativement autonome par rapport au développement du
genre en Angleterre, habituellement invoqué comme modèle.

ALEXANDRE GADY (p. 97-110)
Le roi dans la bibliothèque. Louis XVIII en costume de sacre de
Jean-Pierre Cortot (1815-1817) Récemment remise en valeur, la grande
statue de marbre de la bibliothèque de la Villa Médicis, Louis XVIII en
costume de sacre, est l’oeuvre d’un sculpteur aujourd’hui oublié, J.-P.
Cortot (1787-1843). Jadis placée dans le Grand Salon, en face du Louis XIV
de Guidi, elle formait lors de son érection, en 1817, un des éléments de
la politique de re-légitimation royale du gouvernement de la Restauration,
mise en oeuvre par l’ambassadeur du roi de France à Rome, le comte de
Blacas, tant à la Villa qu’à l’église voisine de la Trinité-des-Monts.
Critiquée pour son style comme pour son message politique, cette oeuvre
aujourd’hui illisible mérite d’être reconsidérée et replacée dans son
contexte, celui d’une mise en scène du pouvoir au sein de l’Académie de
France.

VARIA

MAXIME DEURBERGUE (p. 111-128)
Poésie, Prophétie, Peinture : la Nativité Mystique de Sandro Botticelli et
son interprétation selon le sens spirituel de l’Exégèse
Après la fuite des Médicis à la fin du XVe siècle, Sandro Botticelli subit
l’influence de Jérôme Savonarole. Si l’artiste vieillissant ne suit pas
aveuglément les injonctions que le prophète de la République florentine
adresse directement aux peintres, il n’est pas insensible en revanche aux
anathèmes que ce dernier profère à l’encontre des poètes. Lui qui
rivalisait autrefois, dans Le Printemps, avec les poésies élaborées par
les intimes de Laurent le Magnifique, s’attache désormais, dans la
Nativité Mystique, à égaler le verbe prophétique de saint Jean. Il y
déploie de la sorte, à partir d’un sens littéral dont il précise la teneur
grâce à une inscription en grec ancien surmontant le tableau, les trois
facettes du sens spirituel de l’exégèse : allégorique, tropologique et
anagogique. Seule oeuvre jamais signée et datée par le peintre, cette
toile tardive acquiert ainsi une dimension prophétique, et se donne comme
la vision de l’accomplissement du XIIe chapitre de l’Apocalypse.

PIERRE ROSENBERG (p. 129-166)
Un ensemble de copies de dessins d’après l’Antique de Poussin
Poussin a peu dessiné : ce sont en majorité des dessins préparatoires (382
numéros dans le corpus de Pierre Rosenberg et Louis-Antoine Prat paru en
1994) pour ses compositions peintes ou des copies d’après l’Antique. La
découverte d’un ensemble, non pas de copies d’antiques, mais de copies de
copies d’après l’Antique, éclaire la démarche de Poussin et nous informe
sur l’importance qu’il accordait à l’Antique. Ces copies ne sont jamais
exécutées devant les oeuvres elles-mêmes mais d’après un nombre limité
d’ouvrages anciens illustrés.
L’auteur étudie deux ensembles de copies d’après Poussin, le plus
important conservé en collection privée, le second à Rome au Gabinetto
Nazionale delle Stampe, qui complètent utilement les recherches
entreprises dans le corpus paru en 1994.

DELPHINE BASTET (p. 167-186)
Étude iconographique des Bacchanales Richelieu de Nicolas Poussin
Cet article étudie l’iconographie du décor du cabinet du roi Louis XIII au
château de Richelieu, présentant conjointement les tableaux du Studiolo
d’Isabelle d’Este entrés dans la collection du cardinal de Richelieu, les
trois triomphes de personnages de la légende de Bacchus commandés à
Nicolas Poussin dans les années 1630 et une allégorie de La Libéralité de
Titus peint par Jacques Stella. Un bilan des interprétations auxquelles ce
décor a donné lieu est dressé, puis une nouvelle lecture iconographique
est proposée. Elle se base sur l’examen des interprétations existantes
dans la peinture et la littérature du thème du Triomphe de Bacchus et sur
la consultation des thèmes retenus dans les ballets ou les panégyriques
adressés à la gloire du roi Louis XIII. Ces éléments permettent d’avancer
que le décor rend hommage aux victoires militaires de Louis XIII au
travers du personnage de Dionysos revenant de la conquête des Indes et
célèbre le retour en France de la paix et de l’abondance, consécutif à la
grande valeur militaire du roi.

CLAUDIA PAZZINI (p. 187-212)
Il collezionismo della famiglia Santacroce nella Roma del XVII secolo. I
disegni
Dans le cercle de la cour des Barberini émerge dans les années 1630 une
figure particulière de mécène et de collectionneur, encore peu connue des
chercheurs : le cardinal Antonio Santacroce. Pendant les années de la
légation à Bologne et à Urbino, entre 1631 et 1639, le cardinal entre en
contact avec le très actif milieu artistique local, grâce auquel il se
forme un goût précis qui guidera ses choix de collectionneur. Les
documents d’archive témoignent d’une considérable collection de peintures,
tandis que l’on a perdu toute trace des nombreux albums de dessins
possédés par Santacroce. Les précieuses observations sur les dessins de
cet amateur d’art romain rapportées par les oeuvres de Pierre-Jean
Mariette, ont permis de déterminer les particularités qui ont conduit à
l’identification les dessins du cardinal, aujourd’hui dispersés dans
diverses collections publiques et privées. Parmi les dessins retrouvés, de
nombreux feuillets sont de la main de Raphaël, Caravage, du Primatice et
des Carrache.

SYLVAIN BEDARD (p. 213-242)
Le nu historié : les envois des pensionnaires de l’Académie de France à
Rome au XVIIIe siècle
À partir de l’année 1754, et ce jusqu’en 1792, les peintres de l’Académie
de France à Rome étaient tenus d’envoyer à Paris, une fois l’an, entre
autres travaux d’études, une académie d’homme sur toile. Des envois
d’oeuvres dont l’initiative première revient au peintre et directeur de la
pension romaine jusqu’en 1775, Charles-Joseph Natoire. Une fois à Paris,
ces oeuvres faisaient l’objet de remarques de la part d’un jury formé
d’officiers de l’Académie royale. Un rapport était ensuite acheminé à
Rome, où les pensionnaires prenaient note des commentaires des juges
parisiens. Cette étude s’attache à brosser l’historique de ces figures
peintes, dont un certain nombre est aujourd’hui localisé, en plus
d’analyser l’ambition de leurs auteurs à vouloir dépasser la simple étude
du modèle vivant, pour viser au sujet d’histoire.

ANITA PETROVSKI (p. 243-260)
La Rosina (1869) ou la silhouette caractérisée. Une approche de la figure
féminine sculptée par « Marcello », Adèle d’Affry (1836-1879), duchesse
Castiglione Colonna
Séjournant pendant l’année 1869 à Rome, la Suissesse Adèle d’Affry
(1836-1879), duchesse Castiglione Colonna alias « Marcello » est à un
tournant décisif de sa carrière : reconnue comme spécialiste du buste,
elle ambitionne de s’imposer « en sculpteur de formes, bras, jambes et le
reste ». Elle allie ce défi plastique à une vision expressive du corps
miroir du caractère et des émois. En contrepoint à la monumentale et
fatidique Pythie inspirée par les Sibylles de Michel-Ange, Marcello modèle
ainsi l’emblématique figure d’amoureuse du Barbier de Séville : La Rosina.
Malgré sa taille menue et son apparente frivolité, cette statuette
multiplie les enjeux : manière espagnole selon Fortuny, dramaturgie
théâtrale, évocation du sentiment amoureux par la « silhouette
caractérisée ». En s’appuyant sur la correspondance échangée par Marcello
avec sa mère et l’écrivain Prosper Mérimée, cet article reconstitue
l’histoire de La Rosina et le dense réseau culturel au sein duquel elle a
été créée.

FORUM : Le paysage

HERVE BRUNON (p. 261-290)
L’essor artistique et la fabrique culturelle du paysage à la Renaissance.
Réflexions à propos de recherches récentes
Les travaux sur le paysage se sont récemment multipliés dans de nombreuses
disciplines, à la faveur d’un intérêt grandissant du public. S’il
conviendrait d’analyser en détail la place de l’histoire de l’art dans le
renouvellement des recherches, on note en tout cas, dans la littérature
anglophone en particulier, une attention de plus en plus forte à la valeur
du paysage comme production sociale et culturelle et à ses implications
idéologiques. La thèse de la découverte du paysage à la Renaissance,
notamment défendue en France par Augustin Berque et Alain Roger, doit être
remise en question : elle reconduit certains postulats hérités de
l’historiographie du XIXe siècle, dont Burckhardt, et suppose une «
laïcisation » de la nature que dément la dimension religieuse du paysage
en peinture. Il faudrait au contraire enquêter sur le rôle des modèles
antiques dans le développement artistique et culturel du paysage à cette
époque, selon différentes perspectives de recherche ici esquissées.

SILVIA BORDINI (p. 291-306)
Appunti sul paesaggio nell’arte elettronica
Sont analysées ici les transformations de la vision de la nature comme
paysage, élaborées dans l’art contemporain de ces dernières années. Une
importance particulière est donnée au déplacement des pratiques
artistiques de la peinture à d’autres formes de méthodes de
représentations, langages et expériences. À partir des années 1960, en
effet, l’art ne se conçoit plus en termes picturaux mais élabore un
concept d’oeuvre comme relation, comme lieu d’expérimentation perceptive
et dynamique dans l’espace et dans le temps, ainsi que comme expérience
liée au comportement de l’artiste et du spectateur. Dans un tel contexte
cet essai se penche sur le paysage dans l’art électronique, prenant en
considération vidéo, vidéo-installations, net art et environnements
interactifs, et discute les principales lectures historico-critiques
relatives à ces oeuvres. Une attention particulière est portée à la
référence aux thèmes traditionnels de la peinture de paysage dans les
interprétations des nouveaux médias.

INFORMATIONS

NICOLETTA MANDARANO
Ricerche italiane sull’arte francese e sulle relazioni artistiche tra
Francia e Italia (p. 307-312)
L'histoire de l'art à l'Académie de France à Rome (p. 313-324)
(janvier - décembre 2005)

I. PENSIONNAIRES HISTORIENS DE L’ART (2004-2005)
II. COLLOQUES ET SEMINAIRES D’ETUDES

RESUMES DES ARTICLES (français, italien, anglais, allemand) (p. 325-336)

BIOGRAPHIES DES AUTEURS (p. 337-339)

coédition Somogy / Académie de France à Rome
à paraître le 22 septembre 2006
344 pages, 316 illustrations
21 x 27 cm
35 euros
ISBN-2-85056-994-1

Quellennachweis:
TOC: Studiolo no.4 2006, Le portrait entre Italie et Europe. In: ArtHist.net, 26.09.2006. Letzter Zugriff 15.01.2025. <https://arthist.net/archive/28517>.

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